La Libre Afrique, 24 avril 2023 Comment le président Ndayshimiye va-t-il gérer le cas de ce prisonnier encombrant, ancien patron de la police au moment des violences de 2015 ? Depuis le décès précoce de l’ancien président burundais Pierre Nkurunziza, la tension ne cessait de monter entre les deux clans qui se voyaient lui succéder. Dans cette course au pouvoir, c’est celui du général Évariste Ndayishimiye qui a emporté la palme, cédant la tête de l’exécutif à son adversaire Alain Guillaume Bunyoni… jusqu’à ce que le premier décide d’écarter le second qui cherchait un peu trop la lumière à son goût.
Fin de semaine dernière, nouvel acte de cette pièce avec l’annonce de l’arrestation de Bunyoni, suspecté d’avoir accaparé une fortune grâce à ses réseaux d’affaires. Officiellement, les perquisitions n’ont pas permis de mettre la main sur la montagne de cash attendue. “Bunyoni est un malin qui a bâti un empire dans lequel, officiellement, il n’apparaît pas”, explique un spectateur de la vie burundaise. Mais l’offensive présidentielle n’autorise aucun retour en arrière. “Bunyoni va rester longtemps en prison… si la tête de ce régime ne change pas”, prévoit un autre témoin privilégié. Ce dossier, énième règlement de compte entre les différents clans des généraux à la tête du pays, doit asseoir le président, effrayer ses adversaires tout en évitant tout déballage sur les juteux business du pouvoir. Pour certains hauts cadres du régime “il ne faut pas s’attendre à un grand procès public”. Mais l’ex-Premier ministre n’est pas le premier venu et il sera difficile pour les autorités de l’enfouir dans une prison, comme ils l’ont fait avec le directeur du Kira Hospital, le docteur Christophe Sahabo, exilé sans procès et sans charge loin de Bujumbura. D’autant qu’un collectif d’avocats de la société civile qui représente 1 800 familles de victimes des crimes commis en 2015 quand l’ancien président Nkurunziza voulait s’offrir un 3e mandat inconstitutionnel, a bondi sur cette arrestation pour rappeler que “plusieurs témoins et victimes de ces violences ont mis en cause Bunyoni, qui était alors le chef de la police du Burundi”, explique Me Detheux qui poursuit : “le bureau du procureur de la CPI a ouvert des enquêtes sur ces faits”. Cette arrestation pourrait donc donner un coup d’accélérateur à cette enquête internationale avec à la clé l’extradition à La Haye de Bunyoni… pas sûr que ce scénario était dans les plans du pouvoir burundais. |