Agence Française de Développement, 24 juillet 2023 Environ 2,9 % de la population du Burundi est séropositive, un chiffre probablement sous-estimé. À travers plusieurs projets, le groupe AFD accompagne sur place les activités de l’Association nationale de soutien aux séropositifs (ANSS) via son dispositif I-OSC, mais aussi grâce à L’Initiative, un programme de lutte contre les trois pandémies financé par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et mis en oeuvre par Expertise France.
Symbole de la lutte contre le sida/VIH au Burundi, le centre Turiho de l’ANSS, à Bujumbura, est très fréquenté. Ouvert il y a trente ans, il accueille en moyenne 120 personnes par jour, et accompagne 2 969 patients de manière régulière. « Ici, nous accueillons surtout des personnes vulnérables : des mères avec leurs enfants, des travailleurs et travailleuses du sexe, des personnes homosexuelles. Nous les accompagnons du dépistage jusqu’au traitement s’il est nécessaire, et nous menons en parallèle des actions de sensibilisation », explique le docteur Devote, l’une des médecins en charge des dépistages dans le centre de Turiho. Quatre autres antennes sont ouvertes dans le pays pour prendre en charge les malades sur l’ensemble du territoire. Une maladie stigmatisée Ce travail est indispensable dans un pays où, comme dans beaucoup d’autres, le VIH fait l’objet de nombreux stéréotypes. Claudine [tous les prénoms ont été changés], 38 ans, en a fait les frais. Elle avait 16 ans lorsqu’elle est tombée enceinte, lors de son suivi de grossesse, on lui annonce qu’elle est séropositive. « Quand mes parents l’ont appris, ils m’ont jetée dehors, ils avaient honte. Je me suis retrouvée sans rien, donc je suis partie à Bujumbura et je suis devenue travailleuse du sexe pour gagner un peu d’argent. » Quelques années plus tard, elle se marie. Mais la stigmatisation de la maladie la rattrape. « Quand mon mari a appris que j’étais séropositive, il m’a abandonnée, et il l’a dit à tous les voisins, à notre propriétaire. J’ai été complètement rejetée, alors je suis partie avec mes enfants », explique-t-elle, le visage las. Victor, un jeune homme de 32 ans, a quant à lui réussi à garder le « secret », comme il l’appelle. « Je ne l’ai pas dit à mes proches, j’aurais trop peur de leur réaction », détaille-t-il. Un accompagnement salvateur Claudine a pu bénéficier d’un accompagnement lors des consultations prénatales, ce qui lui a permis de suivre un protocole pour éviter la transmission à ses enfants. Grâce à la PreP (traitement préventif pour prévenir l'infection par le virus), ses cinq enfants sont séronégatifs. Comme eux, de nombreux enfants et adolescents sont pris en charge ; soit à la naissance, lorsque la mère est séropositive, soit plus tard. « Il est surtout compliqué d’accompagner les adolescents, qui parfois veulent arrêter leur traitement. Nous faisons un travail psychologique avec eux pour les aider à accepter, et à comprendre pourquoi ils doivent se soigner », détaille la docteure Evelyne, pédiatre. Ce volet fait d’ailleurs partie d’un projet mis en œuvre par Expertise France visant à lutter contre le VIH parmi les adolescents. Les traitements, très coûteux, sont entièrement pris en charge par le centre : « Je suis sans emploi, je suis pauvre, je n’aurais jamais pu me permettre de payer ces traitements et les analyses de suivi. Je suis vraiment content d’avoir pu être pris en charge ici », explique Victor. Cette prise en charge est possible grâce à différents financements, dont deux de l’Agence française de développement, mis en œuvre respectivement par Coalition plus et Sidaction. Sensibiliser et dépister le plus grand nombre Pour endiguer l’épidémie de VIH qui sévit dans le pays, au-delà des traitements, la prévention et le dépistage sont indispensables. L’ANSS mène donc des activités dans les écoles, dans les communautés, et encourage tout le monde à aller se faire tester. Certains patients sont également devenus des porte-parole de la cause dans leur entourage, à l’instar de Victor et de Claudine, devenue pair-éducatrice. « J’ai été formée pour pouvoir faire des autotests à d’autres personnes. J’ai ainsi pu dépister plusieurs cas dans mon entourage, à qui j’ai ensuite proposé un accompagnement au centre de l’ANSS pour confirmer le dépistage et permettre leur prise en charge », explique Claudine. Victor propose quant à lui systématiquement à ses partenaires d’aller se faire dépister. Aujourd’hui, le centre de Turiho est devenu un centre de référence sur les sujets de santé sexuelle et reproductive. Au fil des années, ses activités se sont élargies pour intégrer le dépistage et le traitement des infections sexuellement transmissibles et du cancer du col de l’utérus, il dispense aussi des conseils en matière de planning familial. |