@rib News, 26/06/2024 – Source AFP Une dizaine des personnes sont mortes lors des protestations contre la réforme fiscale du gouvernement kényan. Le pays n'a pas connu de telles violences depuis son indépendance en 1963. Le pays bouillonne. La crise politique déclenchée par la contestation d'une réforme fiscale prend une tournure de plus en plus violente. Au moins 13 personnes sont mortes mardi au Kenya lors de la journée de manifestations antigouvernementales qui a viré au chaos, selon le président de la principale association professionnelle de médecins du pays.
Et le bilan risque de s'alourdir dans les prochains jours. "Nous avons vu des violences en 2007 suite aux élections, mais jamais un tel niveau de violence contre des personnes non armées", a déclaré le président de la Kenya Medical Association, Simon Kigondu. Depuis son indépendance en 1963, le pays n'a jamais vu le Parlement son parlement en feu. Les manifestants ont attisé leur colère et ont pris d'assaut l'assemblée. Capitale de l'enfer "Morts, désordre", titrait en une le quotidien The Standard, tandis que le Daily Nation qualifiait la situation de "Pandémonium" (capitale de l'enfer, ndlr). Dans les colonnes du journal on peut lire que "les fondations du pays ont été profondément ébranlées", avec plusieurs morts et des scènes de chaos dans le centre de la capitale Nairobi. Les rassemblements, principalement menés par une jeunesse ultra-connectée, avaient débuté la semaine dernière. Initialement les protestations se sont déroulées dans le calme : des milliers de manifestants ont défilé à Nairobi et dans d'autres villes du pays pour contester les nouvelles taxes prévues dans le budget 2024-2025, actuellement débattu au parlement. Mais la tension est montée brusquement mardi, lors de la troisième manifestation. Selon des ONG, dont la branche kényane d'Amnesty International, la police a tiré à balles réelles pour tenter de contenir la foule, qui a forcé les barrages de sécurité pour pénétrer dans l'enceinte du Parlement. Des bâtiments ont été saccagés et partiellement incendiés. Des pillages à Nairobi, des incendies à Eldoret... le pays plonge dans le chaos. Et quelques heures plus tard, le gouvernement a annoncé déployer l'armée pour soutenir la police face à cette "urgence sécuritaire" et à ces "destructions et intrusions dans des infrastructures cruciales". Dans la soirée, le président Ruto a affiché sa fermeté en s'engageant à réprimer fermement la "violence et l'anarchie", en promettant notamment de faire payer ces "criminels se faisant passer pour des manifestants pacifiques" qui font "régner la terreur contre le peuple, ses représentants élus et les institutions". Une chose est certaine : le gouvernement a été pris de court par l'intensité de cette opposition, principalement menée par les jeunes Kényans de la "Génération Z" (jeunes nés après 1997). Mercredi matin, une forte présence policière était déployée autour du parlement, où des effluves de gaz lacrymogène flottaient encore dans l'air. Posté devant les barricades brisées du complexe, un policier explique avoir été choqué par ce qu'il a vu la veille à la télévision. "C'était de la folie, nous espérons que le calme reviendra aujourd'hui", dit-il. Mais la violence est monté dans les deux camps. La principale coalition d'opposition, Azimio, menée par l'opposant historique Raila Odinga, a accusé le gouvernement d'avoir "déchaîné sa force brute" contre les manifestants et exhorté la police à "cesser de tirer sur des enfants innocents, pacifiques et non armés". Le groupe d'ONG mené par Amnesty Kenya a également souligné mardi avoir relevé 21 enlèvements de personnes par des "officiers en uniforme ou en civil" au cours des 24 heures précédentes. Des accusations sur lesquelles la police n'a pas réagi. Un mouvement lancé sur les réseaux sociaux Cet épisode de violences à Nairobi a alarmé les Etats-Unis et plus d'une dizaine de pays européens, ainsi que l'ONU et l'Union africain, qui se sont déclarés "fortement préoccupés" par les affrontements et ont appelé au calme. Baptisé "Occupy Parliament" ("Occuper le Parlement"), ce mouvement a été d'abord lancé sur les réseaux sociaux peu après la présentation au Parlement le 13 juin du projet de budget 2024-2025 prévoyant notamment une TVA de 16% sur le pain et une taxe annuelle de 2,5% sur les véhicules particuliers. Après un début de contestation, le gouvernement, qui juge de nouvelles taxes nécessaires au vu du lourd endettement du pays, a annoncé le 18 juin retirer la plupart mesures prévues à cet effet. Mais cela n'est pas une garantie suffisante pour l'opposition : les manifestants demandent le retrait intégral du texte. |