La Croix, 31/10/2024 Au Burundi, les dissidents, sous la menace de détentions arbitraires, vivent dans la peur L’Union européenne a prorogé jusqu’en octobre 2025 ses sanctions envers le Burundi pour violations persistantes des droits humains. Mais les détentions arbitraires se poursuivent dans le pays afin de museler toutes les voix dissidentes. L’Union européenne a prolongé jusqu’en octobre 2025 ses sanctions envers le Burundi, qui continue de mener une politique de détentions arbitraires et de violations persistantes des droits de l’homme. Dans le pays le plus pauvre du monde, ces détentions seraient même devenues la norme, selon un rapport de l’organisation SOS-Torture Burundi, qui dénonce le musellement de toute voix dissidente.
Chercheuse et spécialiste du Burundi à Amnesty International, Rachel Nicholson souligne un continuum répressif depuis l’arrivée au pouvoir en 2020 du président Évariste Ndayishimiye. Elle regrette que « des accusations douteuses liées à la sécurité de l’État, telles que rébellion ou menace à la sécurité intérieure de l’État », continuent d’être utilisées. Le cas de Christophe Sahabo est emblématique de cette répression. L’ancien directeur général du Kira Hospital de la ville de Bujumbura est emprisonné, depuis 2022, pour « atteinte au bon fonctionnement de l’économie nationale ». Maltraité par les agents du Service national de renseignements, détenu à plus de 200 km du lieu d’instruction de son dossier dans des conditions inhumaines, il est privé d’un procès équitable et n’a pas d’accès aux soins. Tout comme la syndicaliste Émilienne Sibomana – acquittée en juin et toujours incarcérée –, la journaliste Sandra Muhoza est, elle aussi, un symbole de ces détentions arbitraires. Arrêtée en avril pour « atteinte à la sécurité de l’État et aversion ethnique », elle risque la réclusion à perpétuité, à la suite d’informations partagées sur WhatsApp, qui mettent en cause des personnalités du pouvoir en place. Ingérence judiciaire et politique Ce « manque d’indépendance de l’appareil judiciaire », le rapporteur spécial sur la situation des droits humains au Burundi, Fortuné Gaetan Zongo, l’a déploré à l’ONU en septembre. L’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) au Burundi dénonce pour sa part « un contexte où la justice et les institutions nationales des droits de l’homme semblent être prises en otage par l’exécutif ». L’opposition politique n’est pas épargnée par ces ingérences. C’est le cas du Congrès national pour la liberté, principal parti d’opposition, dont le nouveau leader, Nestor Girukwishaka, est considéré comme proche du parti au pouvoir. Un constat qui ne rassure guère, avant la tenue des élections législatives – fixées au 5 juin 2025. Face à ces détentions arbitraires et ces ingérences auxquelles s’ajoutent exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, actes de torture ou violences sexuelles, les citoyens vivent dans la peur et le silence. « Le phénomène récurrent des corps sans vie découverts dans divers endroits comme les rivières, les buissons, puis enterrés hâtivement par des responsables administratifs du parti au pouvoir met en exergue une complicité présumée des hautes autorités avec les criminels », abonde l’Acat-Burundi, dont certains responsables vivent en exil par peur des représailles. Impuissant, le rapporteur spécial de l’ONU ne peut que constater que « l’État continue systématiquement à exercer un contrôle sur le Service national de renseignements et sur la milice des Imbonerakure (composée de membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir), libres de torturer, d’intimider la population. » Vivien Latour, correspondant à Kigali (Rwanda) |