Le Soir, 4/12/2024 La cérémonie d’hommage aux victimes des génocides reconnus par la Belgique, prévue ce vendredi à la Chambre, a été annulée sous la pression de l’ambassade du Rwanda, avant d’être finalement reprogrammée fin janvier. La presse a largement eu l’occasion de l’évoquer, au printemps : cette année marque le 30e anniversaire du génocide rwandais. Quoi de plus normal, donc, de faire du sinistre événement le cœur de la cérémonie commémorative annuelle de la Chambre en hommage aux génocides ? Oui, mais non.
Conformément à une résolution adoptée en 2020, tous les ans, le vendredi le plus proche du 9 décembre, les députés rendent hommage aux cinq génocides reconnus par l’Etat belge, en l’occurrence le génocide arménien, la Shoah, le génocide cambodgien, le massacre de Srebrenica et le génocide des Tutsis du Rwanda. Avec la présence, comme veut le protocole, de représentants des communautés concernées, d’un membre du gouvernement, mais aussi du clergé, de « passeurs de mémoire » (survivants ou descendants), d’experts et de jeunes issus de différentes écoles. Parmi les intervenants de cet événement plus centré sur le Rwanda figuraient notamment deux journalistes : Colette Braeckman, journaliste du Soir, qui comptait souligner le devoir de vigilance face aux signes avant-coureurs du génocide et rappeler les responsabilités de la Belgique, et Katrien Vanderschoot, de la VRT, qui avait prévu de s’interroger sur la manière de rompre le cycle de la violence dans la région des Grands Lacs. Mais une semaine avant le jour J, surprise : les participants reçoivent un avis d’annulation. Sans explication. Petit pas de côté « Je suis tombé de ma chaise, samedi, quand des associations m’ont appelé pour me dire qu’on les avait informées de l’annulation de l’événement », raconte le député Michel De Maegd (MR), qui est à l’origine de la résolution. Selon nos informations, la décision a été prise au niveau de la présidence de la Chambre, officiellement pour une question d’organisation. Mais Peter De Roover (N-VA) a en réalité agi sous la pression de l’ambassade du Rwanda, qui contestait la participation de la journaliste Katrien Vanderschoot, en raison d’écrits passés. L’ambassade menaçant non seulement de bouder l’événement, mais aussi d’embarquer avec elle les rescapés invités, via une association… proche de l’ambassade. Interpellé par Ecolo en Conseil des présidents, sur cette annulation sans explications, Peter De Roover aurait confirmé les motifs diplomatiques. Une personne présente rapporte un certain malaise. Il faut dire que d’aucuns pourraient interpréter la séquence comme un écartement par la Chambre, sous influence d’une puissance étrangère, d’une journaliste reconnue pour son expertise. Fort heureusement, on ne parle plus d’annulation, mais de report. Sur proposition de Michel De Maegd, rencontré en début de semaine par le président de la Chambre, la cérémonie aura donc bien lieu le 24 janvier, « avec les mêmes invités », précise le libéral : pas question de restreindre la liberté de parole des journalistes ou de laisser une puissance étrangère dicter l’agenda. Pour autant, il y aura bien un petit pas de côté : le Rwanda ne sera plus au centre de l’événement qui sera dédié aux victimes des cinq génocides. Ce qui permet, dans ce contexte, de se passer de la présence de représentants rwandais si ceux-ci venaient à maintenir leur opposition. |