La Libre Afrique, 14 février 2025 Le président Ndayishimiye directement menacé par les événements du Sud-Kivu. « C’est un suicide”, lance John, habitant de Bujumbura, la capitale économique du Burundi après avoir entendu les menaces proférées par son président, le général Évariste Ndayishimiye contre le Rwanda : “Celui qui va nous attaquer, nous allons l’attaquer”. « Le président de la République est un ancien maquisard qui doit mieux manier les armes que les mots”, poursuit John qui ne comprend pas ce qu’il présente comme une provocation lancée par Évariste Ndayishimiye à partir de Bugabira, une commune plantée sur la frontière avec le Rwanda.
« Il y a quelques jours, au début de ce mois de février, le président expliquait qu’il craignait que la guerre en République démocratique du Congo ne se transforme rapidement en conflit régional et, aujourd’hui, c’est lui qui attise la violence en annonçant vouloir mobiliser les Burundais de toutes les provinces pour aller combattre à la frontière avec le Rwanda”, poursuit notre interlocuteur qui pointe aussi l’envoi de près de 10 000 soldats burundais sur le front congolais. Un contingent qui a encore été renforcé ces derniers jours alors que les troupes antigouvernementales congolaises, soutenues par le Rwanda, poursuivent leur progression et sont ce jeudi aux portes de l’aéroport de Kavumu, dans le Sud-Kivu, se rapprochant ainsi de la frontière avec le Burundi. Le prix de la mobilisation Entre Kigali et Gitega, les deux capitales, la tension ne cesse de monter semaine après semaine. Cela fait désormais un an que la frontière entre les deux pays a été fermée à l’initiative des autorités burundaises. Une décision unilatérale qui a surtout impacté économiquement les commerçants/maraîchers burundais habitués à écouler leur production, quasi exclusivement agricole, aux clients rwandais. La fermeture a aussi des conséquences jusqu’à Bujumbura, la grande ville du pays qui avait pris l’habitude d’accueillir des fêtards Rwandais venus dépenser le week-end des devises salutaires dans un pays économiquement exsangue. Le président burundais, qui a rapidement rejoint son homologue congolais dans sa critique du Rwanda, a fait de Bukavu et de son aéroport de Kavumu ses verrous. S’ils sautent dans les prochains jours, il sait qu’il pourrait se retrouver en difficulté face à une armée défaite et revancharde et à des troupes congolaises et rwandaises tentées d’en découdre avec cet adversaire qui serait alors chancelant. Les autorités politiques burundaises devraient aussi faire face à la colère d’un état-major qui a vu beaucoup de ses hommes et de ses gradés tomber sans gloire et sans reconnaissance dans les deux Kivu malgré la bravoure de leurs soldats souvent présentés, par les rebelles congolais de l’AFC/M23 comme les “plus féroces adversaires.” “Les Burundais, qui combattent le plus souvent avec des uniformes de l’armée congolaise, sont de redoutables combattants qui connaissent le terrain du Kivu. Les troupes burundaises sont, avec les FDLR, les adversaires les plus coriaces et les plus aguerris”, expliquait en début d’année un des responsables de l’AFC/M23. Hubert Leclercq |