La Libre Afrique, 26 février 2025 Avec l’avancée des troupes antigouvernementales congolaises dans la province du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), le Burundi voisin, petit pays qui traverse depuis des années une crise économique et sociale majeure, doit faire face à l’arrivée massive de réfugiés congolais.
« La situation est extrêmement préoccupante. Depuis le début de l’année, l’intensification des affrontements en RDC a forcé des milliers de civils à fuir la violence, cherchant refuge au Burundi. Au 25 février 2025, plus de 45 000 réfugiés congolais ont été enregistrés, principalement dans les sites de transit et dans les camps d’accueil. La situation sur place est difficile. Les personnes déplacées expriment une grande fatigue et un sentiment d’incertitude, tout en cherchant un endroit sûr où elles pourront enfin trouver la paix”, explique Majdouline Khoulaidi, chargée de réponse rapide au Burundi pour l’ONG Médecins du Monde qui a installé une antenne à Bujumbura. « Tous les jours, il y a de nouveaux arrivants, poursuit Majdouline Khoulaidi. La pression sur les infrastructures existantes est de plus en plus visible. Beaucoup restent méfiants et angoissés face à l’incertitude de leur situation future. Les gens sont dans un état émotionnel très fragile, car même s’ils arrivent dans des zones plus sécurisées, le stress et la peur d’une possible escalade de la violence ne les quittent jamais. Ils sont épuisés, mentalement et physiquement, et sont en quête de sécurité et de stabilité. La plupart ressentent un profond sentiment de perte, de déstabilisation, et sont préoccupés par leur avenir, tout en espérant des solutions à court et long terme”. Crainte de contagion Le président burundais Évariste Ndayishimiye, alias Neva, allié de Kinshasa dans le conflit en RDC, a plusieurs fois mis en garde contre le danger d’une régionalisation du conflit. Le pouvoir burundais, qui a mobilisé plus de 10 000 hommes pour venir en aide au régime de Félix Tshisekedi, craint de payer au prix fort ce soutien face aux troupes antigouvernementales appuyées par le Rwanda qui se rapprochent de la grande ville d’Uvira, dans le Sud-Kivu, sur le lac Tanganyika, à 25 kilomètres à peine de la capitale économique Bujumbura. Le Sud-Kivu est aussi une base arrière pour les opposants armés au régime burundais, les Red Tabara qui pourraient devenir des alliés de circonstances pour les troupes antigouvernementales congolaises. Depuis plusieurs jours, le pouvoir burundais entretient le doute sur son engagement réel sur le front congolais. En cas de confrontation armée directe sur sa frontière avec les troupes congolaises de l’AFC/M23, le régime burundais sait qu’il sera en grande difficulté, d’autant que ce déploiement de militaires en première ligne en RDC, suite à un accord sibyllin avec Kinshasa, n’a pas amélioré l’ordinaire des soldats burundais qui ont souvent été exposés en première ligne et qui ont payé un prix fort à ce déploiement. De nombreux Burundais sont morts au combat, d’autres ont préféré fuir le front et sont aujourd’hui éparpillés dans les contreforts proches de la frontière entre les deux pays et craignent autant l’AFC/M23 que les troupes régulières burundaises. Une situation particulièrement dangereuse pour le pouvoir burundais très impopulaire, incapable de gérer le pays, un des plus pauvres de la planète, qui ne cesse de s’enfoncer dans la misère. Tout manque Malgré cette situation de pénurie générale, Majdouline Khoulaidi tient souligne la collaboration entre les ONG et les autorités burundaises. “Elles font vraiment un maximum pour venir en aide aux réfugiés avec le peu qu’elles ont. C’est assez admirable. Des particuliers tentent aussi de se montrer solidaires, comme ce Monsieur qui a planté une cuisine communautaire à proximité d’un camp et qui cuisine ce qu’il peut. La solidarité n’est pas un vain mot ici”. Médecins du monde, comme les autres ONG de soins présentes sur place tentent d’anticiper un risque des pics de choléra, rougeole ou de mpox vu la promiscuité qui règne dans les camps. “L’accès à l’eau potable est également une priorité absolue, car bien que des installations de robinetterie soient en cours de mise en place, plusieurs sites n’ont toujours pas de source d’eau propre. Les conditions sanitaires sont également préoccupantes avec seulement 23 latrines disponibles pour toute la population”, explique Mme Khoulaidi qui, comme ses collègues, tire la sonnette d’alarme face à ces immenses besoins. “Pour l’instant, comme beaucoup, nous fonctionnons sur nos fonds propres mais nous attendons la mobilisation des donateurs pour pouvoir tenir sur la durée. On parle de mois, peut-être plus”. Hubert Leclercq |