Agence Anadolu, 04.03.2025 AA / Bujumbura / Dans la province de Cibitoke frontalière de la République démocratique du Congo (RDC), à environ 80 km de Bujumbura, le stade communal de football situé au chef-lieu de la commune Rugombo est devenu, depuis mi-février dernier, un centre d’accueil des vagues massives de réfugiés congolais qui franchissent chaque jour la frontière.
Entassés au stade, plus de 12 000 réfugiés congolais, dont beaucoup de femmes et d’enfants, sont à la fois soulagés de l’avoir échappé belle et angoissés d’avoir tout laissé derrière eux. Autorités locales et autres bienfaiteurs tentent de leur venir en aide. Selon Carême Bizoza, gouverneur de la province de Cibitoke, le seul stade de Rugombo hébergeait à la date du 22 février 2025 plus de 12 000 réfugiés Congolais dont près de 9 000 femmes. Des milliers d’autres sont rassemblés au centre de transit de Gihanga dans la province voisine de Bubanza également frontalière de la RDC. Aussitôt arrivés au Burundi, ils poussent un ouf de soulagement, remercient le Bon Dieu qui les a sécurisés en chemin, les autorités burundaises pour leur accueil et lancent un appel aux bienfaiteurs pour les aider, car ils manquent pratiquement de tout : couvertures, vivres, médicaments, latrines… « Nous remercions d’abord Dieu le Tout-Puissant qui nous a guidés jusqu’ici car le voyage n’était pas aisé », confie à Anadolu Fatima Mateso, mère de trois enfants. Et Solange Mapendo, la soixantaine, de lui emboîter le pas : « Nous remercions le gouvernement burundais qui nous a accueillis à bras ouverts, mais nous demandons aussi aux bienfaiteurs de nous venir en aide car ici nous n’avons rien à manger, nous manquons de quoi nous couvrir la nuit, pas de latrines ni douches, etc.». Venu de Kamanyola, Alexandre Selekta Jadoa a encore du mal à se contenir lorsqu’il se souvient de ce qu’il a laissé derrière : «Nous avons tout laissé derrière nous : des vaches, des chèvres, des poules, nul ne sait si tout cela sera retrouvé, en réalité nous sommes dévastés », regrette-t-il au micro d'Anadolu. Pour fouler le sol burundais, la plupart de ces réfugiés congolais sont passés par la rivière Rusizi et le lac Tanganyika qui constituent une large partie de la frontière entre les deux pays. La frontière terrestre, située au nord-est de la RDC et au nord-ouest du Burundi, ne représente qu’une quarantaine de kilomètres. Des autorités débordées En deux semaines, plus de 42 000 réfugiés congolais avaient déjà franchi la frontière au 21 février 2025, selon le bureau de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés à Bujumbura. Prises au dépourvu, les autorités burundaises demandent aux différents partenaires de les aider à leur venir en aide. « Nous collaborons avec les différents partenaires comme la Croix rouge et le HCR et bien d’autres, afin de leur trouver des aides d’urgence», a déclaré à Anadolu le gouverneur Carême Bizoza. En attendant ces appuis des bienfaiteurs, quelques habitants de Rugombo leur volent au secours qui avec de l’eau, qui avec de la nourriture, qui avec du savon, etc. Même l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ne fait pas mystère de son inquiétude. Lors d’une conférence de presse tenue à Bujumbura le 19 février, Brigitte Mukanga-Eno représentante du HCR au Burundi, a déclaré que ces réfugiés congolais qui affluent au Burundi aujourd’hui constituent « la plus grande vague de réfugiés que le Burundi connaît depuis le début des années 2000 ». Des rebelles du M23 en cause D’après le HCR, la percée des rebelles du M23 au Sud-Kivu, une province de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), a provoqué un afflux massif de réfugiés vers le Burundi voisin ces derniers jours. Dans un communiqué publié fin février dernier, le HCR a précisé qu'au moins 35 000 personnes avaient déjà franchi la frontière burundaise à l'est du Sud-Kivu, pour la plupart originaires des environs de Bukavu, la capitale provinciale tombée sous le contrôle du Mouvement du 23 mars (M23). Le Mouvement du 23 Mars (M23) a été créé en 2012 par des militaires dissidents de l’armée congolaise. Après une brève montée en puissance, il a été défait en 2013 par les Forces armées de la République démocratique du Congo (Fardc), appuyées par les Casques bleus de la Monusco. Cependant, le M23 a repris les armes en 2022, s’emparant de plusieurs localités dans la province du Nord-Kivu, située à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda. Kinshasa accuse le Rwanda de soutenir activement le M23 pour accéder aux richesses minières de la région. Ces accusations sont étayées par des rapports d’agences onusiennes, qui pointent un appui militaire rwandais au mouvement rebelle. Pour la RDC, le M23 est un groupe "terroriste" et toute forme de négociation avec lui est catégoriquement rejetée. Le Rwanda réfute ces allégations, affirmant que le M23 est un mouvement congolais dirigé par des Congolais, bien que ses membres parlent le kinyarwanda, la langue rwandaise. Kigali rejette également les conclusions des rapports onusiens et rappelle avoir désarmé les rebelles du M23 qui s’étaient réfugiés sur son sol en 2012-2013, avant de remettre leur arsenal aux autorités congolaises. Pour Kigali, "la question du M23 est une menace sécuritaire pour le Rwanda". "La RDC, à cause de l’assimilation permanente du M23 au Rwanda, a bâti une large coalition militaire avec des soldats burundais, avec des mercenaires européens, des miliciens Wazalendo et des génocidaires FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda, NDLR)", avait soutenu le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Jean Patrick Nduhungirehe, dans une interview accordée à Africa 24. Ces alliances, selon Nduhungirehe, s’inscriraient dans une stratégie visant à renverser le gouvernement rwandais. Jean Bosco Nzosaba |