La Libre Afrique, 28 mars 2025 Un scrutin législatif et communal est attendu dans moins de 70 jours. Votera ? Votera pas ? Des élections législatives et communales sont annoncées pour le 5 juin au Burundi. Cinq ans après l’arrivée au pouvoir du président Évariste Ndayishimiye (alias Neva), qui a succédé à Pierre Nkurunziza décédé en juin 2020, le Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), le parti au pouvoir, est l’incontestable favori de ce scrutin dans un pays qui a complètement décapité l’opposition et cadenassé toute la société.
À condition que ce scrutin puisse se tenir. À moins de 70 jours du scrutin, le doute est permis, tant la situation interne et externe du pays semble précaire. En interne, “Personne ne s’intéresse à ce scrutin. Les dés sont tellement pipés que ce scrutin n’a pratiquement aucun intérêt”, nous expliquait ce mercredi matin à la première heure un habitant de Bujumbura. La crise économique qui frappe le pays est chaque jour plus handicapante. “On vit sans essence depuis plus de deux ans. Aucun pays au monde ne peut supporter une telle situation”, continue-t-il. “Les habitants de Bujumbura font quotidiennement de nombreux kilomètres pour se rendre au travail, pour tenter de trouver de quoi se nourrir. Désormais, on ne se montre plus exigeant. On mange ce que l’on peut acheter”, explique cet enseignant, père de trois enfants. En externe, la frontière avec le Rwanda est toujours fermée et la situation est devenue plus qu’explosive sur la frontière occidentale avec la République démocratique du Congo, où les troupes antigouvernementales maîtrisent l’essentiel du terrain. Le président burundais Évariste Ndayishimiye a été le principal soutien de l’armée congolaise dans ce conflit. “Une guerre qui n’est pas la nôtre et dans laquelle plusieurs milliers de nos militaires sont morts, ont été blessés ou capturés”, explique un restaurateur de la capitale économique. Les affrontements en RDC ont aussi charrié leur lot de réfugiés congolais au Burundi. Entre 40 000 et 60 000 qui ont fui l’avancée de l’AFC/M23. Jusqu’ici, les rebelles congolais sont prudemment restés à l’extérieur de la grande ville d’Uvira, sur le lac Tanganyika, à moins de 30 kilomètres en face de l’ancienne capitale de Bujumbura. Cela fait plus d’un mois désormais qu’ils sont dans la région. “La plupart des FDLR, mais aussi de nombreux combattants wazalendo, qui ont fui devant l’avancée des troupes de Nangaa (le coordonnateur de l’AFC/M23, NdlR) ont trouvé refuge au Burundi. Ils n’ont pas le choix. Ils ne peuvent pas aller au Rwanda et ne veulent pas continuer à descendre plus au sud. Ils seraient plus de 5 000. Les rebelles congolais tentent d’obtenir leur capitulation mais c’est très complexe. Les autorités burundaises, elles, craignent une explosion de violence sur leur frontière qui risque d’emporter le régime”, explique un Européen expatrié au Burundi. Approche régionale ”La crise burundaise fait partie de la crise régionale”, explique Me Armel Niyongere, avocat burundais et défenseur des droits de l’homme qui vit en exil. “Le pays doit se désengager totalement de ce conflit qui n’a aucun intérêt pour les Burundais et pour la région. Il faut un dialogue régional avec les trois pays. Sans cette initiative, il n’y aura pas de paix durable. La communauté internationale doit le comprendre et doit aider à ce dialogue en parlant avec les trois États”, poursuit-il, tout en mettant clairement en doute l’organisation des élections à venir. “Le contexte interne ne permet pas de les organiser” et en insistant sur les dérives ethniques de plus en plus audibles. “Le discours anti-tutsi est massivement de retour et il paraît déjà hors contrôle des autorités. Dans le contexte actuel, avec la guerre au Congo, la crise économique qui s’accentue chaque jour, le réflexe identitaire peut faire de gros dégâts. Ndayishimiye et son équipe doivent avoir le courage de mettre fin à ce discours avant que nous revivions les drames du milieu des années 90. C’est vital. S’ils ne le font pas, ils seront responsables de ce qui pourrait arriver.” Hubert Leclercq |