@rib News, 12/11/2008 Au Burundi comme à l’étranger, les appels se multiplient pour la libération d’Alexis Sinduhije, notre ancien confrère devenu leader politique. Mais les pressions diplomatiques tous azimuts et celles des défenseurs des droits de l'homme, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, n'ont jusqu’ici pas réussi à faire revenir à la raison le pouvoir du CNDD-FDD pour libérer l'un des journalistes burundais les plus connus. Alexis Sinduhije a été arrêté depuis la semaine dernière pour, avait-on argué dans un premier temps, avoir tenu une réunion qualifiée par les autorités de clandestine puisque son parti n’est pas encore officiellement reconnu.
Mis en détention le 3 novembre, Alexis Sinduhije était incarcéré dans une prison urbaine de la police, sans qu'aucune charge n'ait été officiellement retenue contre lui. Finalement, c’est un nouveau chef d'accusation d'"outrage à chef d'Etat" qui vient de conduire Alexis Sinduhije le mardi 11 novembre à Mpimba, la prison centrale de Bujumbura. "Ce que je dois dire aux gens, c’est de ne pas céder à la peur, car la peur est un bon allié du tyran et du tortionnaire ; et c’est la peur qui est la principale source de tous les maux qui nous rongent depuis plusieurs mois", a-t-il lancé juste au moment de son arrestation. L’arrestation d’Alexis Sinduhije est intervenue alors qu’un journaliste, Jean-Claude Kavumbagu Directeur de l’agence Net Press, un syndicaliste, Juvénal Rududura Vice-président du syndicat du personnel non magistrat, et plusieurs anciens parlementaires sont également détenus depuis plusieurs semaines sans jugement. Alexis Sinduhije est l’un des plus célèbres journalistes burundais. Il a été pendant six ans à la tête de la Radio publique africaine (RPA), l’une des plus célèbres stations privées du Burundi. Créée par Alexis Sinduhije en 2001, la RPA a bravé interdictions et intimidations gouvernementales pour devenir l’une des stations radiophoniques les plus populaires du pays. Bien que n’ayant pas été la première radio privée à émettre, elle a fait beaucoup pour ébranler la domination de la radio d’Etat et apporter aux Burundais une information indépendante. La station a cherché à promouvoir la paix en embauchant à la fois des Hutus et des Tutsis, y compris des anciens combattants, qui travaillent ensemble au sein de l’équipe éditoriale. Ses enquêtes courageuses, son souci de se rapprocher des gens et de parler de ce qui affecte la vie des Burundais ordinaires lui ont valu le surnom de “radio du peuple”. Lauréat du Prix de la liberté de la presse 2004, décerné par le Comité pour la protection des journalistes, Alexis Sinduhije avait fait, en décembre 2007, "ses adieux au métier de journaliste" et lancé officiellement son parti, le Mouvement pour la sécurité et la démocratie (MSD). Depuis, ce parti d’opposition est en attente d’agrément, mais bute constamment sur le refus catégorique du ministère de l’Intérieur qui demande que le mot "sécurité" soit préalablement gommé, car "du domaine réservé de l’Etat" selon le régime. En se lançant en politique Alexis Sinduhije ambitionnait de "guérir le Burundi". Selon lui, le MSD est un parti "ouvert à toutes les composantes ethniques, qui veut guérir le Burundi des maux de l’ethnisme et du régionalisme". Selon plusieurs analystes, Alexis Sinduhije est victime de son courage et de son franc-parlé, n'hésitant jamais à dire tout haut ce qu'il pense dans un pays dont le régime, depuis son avènement il y a trois ans, ne tolère aucune voix dissonante. Lors du lancement de son parti, Alexis Sinduhije avait accusé le patron des services secrets burundais de l’avoir menacé de mort. "Le chef des services secrets burundais, le général Adolphe Manirakiza, m’a menacé de mort lorsqu’il a appris que j’étais en train de mettre sur pied un parti politique et je détiens les preuves de ce que j’avance", avait déclaré Alexis Sinduhije lors d’un point de presse. "Je voudrais dire à ses agents qui sont ici que je n’ai pas peur de lui, je n’ai pas peur de la mort et je vais me battre pour le changement dans ce pays", avait-il lancé. "Le Burundi est en proie à la violence, la corruption s’est institutionnalisée, la pauvreté touche désormais presque toute la population (...) J’ai constaté que dénoncer tout cela (en tant que journaliste) n’a pas guéri le Burundi, je me lance dans la politique pour changer tout cela", avait-il martelé. Le régime de Bujumbura ne l’entendait pas de cette oreille. Depuis, Alexis Sinduhije était soumis à un harcèlement incessant des forces de l'ordre et de l'appareil étatique. L'obstination déraisonnable du CNDD-FDD à vouloir limiter la liberté d'opinion et d'expression consacrée par la Constitution, afin de détruire un espace de liberté qui échappe à son contrôle, ne fait qu’accroître chez les Burundais le désir légitime de mettre un terme à un régime qui continue à commettre des violations de la liberté civile. En restant sourd à tous les appels à la raison, le pouvoir du CNDD-FDD nargue son monde et continue à s’enfoncer dans un isolement international croissant. Ambiance de fin de règne pour un régime au bout du rouleau, prédisent déjà certains observateurs. Wait and see ! |