@rib News, 26/03/2012 – Source Reuters L'ex-Premier ministre Macky Sall est devenu dimanche le nouveau chef de l'Etat sénégalais en battant au second tour de l'élection présidentielle son rival Abdoulaye Wade, qui briguait un troisième mandat. Le président sortant a admis sa défaite au soir de l'élection et, avant même la publication des résultats officiels, a félicité par téléphone son adversaire. "Le grand vainqueur reste le peuple sénégalais", s'est réjoui l'ancien Premier ministre de Wade qui s'apprête à devenir, à cinquante ans, le quatrième président du Sénégal depuis l'indépendance. "Nous avons montré au monde que notre démocratie est mature. Je serai le président de tous les Sénégalais", a-t-il promis.
Dans Dakar, des milliers de personnes sont descendues dans les rues pour laisser éclater leur joie tandis que les tout premiers résultats du scrutin donnaient le président sortant très en retard sur son rival. "Le président de la République Abdoulaye Wade a appelé le candidat Macky Sall à 21h30 GMT pour le féliciter", a annoncé la radio télévision sénégalaise (RTS) dans la soirée. Les résultats complets du scrutin ne sont pas attendus avant ce lundi, voire mardi. Mais les premiers résultats connus à Dakar semblent sans appel : au Point E, quartier huppé de la capitale où Abdoulaye Wade vote, Macky Sall aurait obtenu 417 voix contre 120 seulement pour le président sortant. "Ce jour est un grand jour pour le Sénégal", a réagi Arona Ndoffene Diouf, un des conseillers de Macky Sall. Dans le camp d'Abdoulaye Wade, Amadou Sall, porte-parole de campagne, a déclaré que "c'est le pays tout entier qui l'a emporté". "C'est un grand moment pour la démocratie et le président Abdoulaye Wade a respecté la voix du peuple", a-t-il ajouté. Nicolas Sarkozy a salué "une très bonne nouvelle pour l'Afrique en général et le Sénégal en particulier". "Le Sénégal est un pays considérable d'Afrique qui a été un modèle de démocratie et que les choses se passent aussi dignement, il faut que (le président sortant) Abdoulaye Wade en soit félicité et Macky Sall aussi", a déclaré le président français. UN FRONT ANTI-WADE L'élection présidentielle au Sénégal constituait un test supplémentaire sur l'état de la démocratie en Afrique, et pouvait freiner ou au contraire accentuer ce que les observateurs ont qualifié de "récession démocratique", notamment après la présidentielle en Côte d'Ivoire qui a débouché sur une guerre civile l'année dernière. La campagne pour le premier tour laissait craindre que le Sénégal, seul pays d'Afrique de l'Ouest à n'avoir jamais fait l'expérience d'un coup d'Etat, bascule dans un cycle de violences. Des manifestations avaient éclaté lorsque le Conseil constitutionnel avait validé la candidature de Wade à un troisième mandat, estimant que le premier mandat du président sortant ne devait pas entrer en ligne de compte dans l'application de la nouvelle règle institutionnelle limitant à deux le nombre de mandats présidentiels mais introduite après l'arrivée au pouvoir de Wade en 2000. Six personnes avaient été tuées dans ces manifestations pré-électorales et la France et les Etats-Unis avaient fait part de leurs doutes sur cette nouvelle candidature du président sortant. Mais le premier tour s'était déroulé dans un calme inattendu. Dimanche, le second tour s'est également tenu sans incidents majeurs, et en concédant sa défaite, Abdoulaye Wade semble avoir désamorcé les risques de crise post-électorale. "Il n'a fallu que quelques heures à Wade pour admettre qu'il avait perdu (...) Une passation de pouvoir pacifique va renforcer les institutions du Sénégal et sa réputation historique de stabilité politique", a noté Samir Gadio, de la Standard Bank. Le 26 février, Abdoulaye Wade était arrivé en tête du premier tour avec 34,8% des suffrages, devant Macky Sall, crédité lui de 26,6%. Mais dans l'entre-deux tours, Sall a su rallier autour de lui l'ensemble des candidats éliminés au premier tour et obtenu le soutien du chanteur Youssou N'Dour, écarté du scrutin par le Conseil constitutionnel. Cette alliance anti-Wade avait fait naître pour une partie de l'opinion sénégalaise l'idée que le président sortant ne pouvait pas remporter le second tour. Après douze années au pouvoir, Abdoulaye Wade misait pour sa part sur les nombreux abstentionnistes du premier tour mais aussi sur les chefs religieux, qui exercent encore une forte influence sur leurs communautés. A 85 ans, celui que les Sénégalais surnomment Ndiombor - le lièvre, en wolof - pour son habileté politique, celui qui avait mis triomphalement un terme en l'an 2000 à quatre décennies de présidence socialiste, n'a pas réussi son pari. "UNE DÉMOCRATIE MAJEURE" "Ceci montre que notre pays est une démocratie majeure. Nous avons une population mature qui est capable de choisir de manière lucide et responsable, et cela est un encouragement pour moi", a déclaré de son côté Macky Sall après avoir voté, commentant le bon déroulement du scrutin. Son programme électoral prévoit un renforcement des institutions démocratiques du pays et une réorganisation du secteur de l'énergie pour lutter contre les pannes de courant chroniques. Il promet aussi de réduire les taxes sur les produits de première nécessité, tels que le riz. Macky Sall veut également relancer les initiatives visant à mettre un terme à la rébellion rampante en Casamance, naguère destination touristique de premier choix. Le futur président sénégalais est un ancien proche d'Abdoulaye Wade, dont il fut tour à tour ministre de l'Energie et des Mines puis de l'Intérieur avant d'être nommé Premier ministre et de devenir, après la réélection de Wade en 2007, président de l'Assemblée nationale. Il était tombé en disgrâce après s'être publiquement heurté au fils du président sortant, Karim Wade. Il est entré dans l'opposition en créant son propre parti, l'Alliance pour la République (APR-Yakaar). Ce géologue et géophysicien de formation, qui a étudié à Dakar et à Paris, s'apprête désormais à devenir le quatrième président du Sénégal depuis l'indépendance, après Léopold Sédar Senghor (1960-1981), Abdou Diouf (1981-2000) et Abdoulaye Wade. |