@rib News, 02/04/2012 La grève : une solution ou un moyen ? Et au-delà, que faire ? Par Salvator SUNZU * Les deux protagonistes, le gouvernement et la société civile en l’occurrence, ont rivalisé d’ardeur pour convaincre la population, surtout les travailleurs tant du privé que du public, à répondre ou ne pas répondre à l’appel à la grève de ce 27 mars. Le résultat, tout le monde l’a vu. Réussite totale ou échec ? La réalité est certainement entre les deux. Amusant fut le fossé (et faussetés) des reportages des radios privés et publics sur le sujet. Mais le signal vient donc d’être lancé. Le bras de fer vient de montrer à chaque acteur le poids qu’il pèse sur l’opinion, et c’est peut-être du côté gouvernement que la réflexion doit faire un autre bond au regard de ses immenses responsabilités et aux défis qui lui sont lancés.
La société civile, ne devrait pas se contenter de tourner les pouces, tout en ourdissant intelligemment le plan de la suite. Car tout à fait logiquement, les choses ne pourront s’arrêter là, surtout que le gouvernement ne sera certainement pas en mesure de répondre entièrement aux défis économiques qui sont à la base du coût élevé de la vie. La société civile a sans doute voulu le mettre dos au mur. Le gouvernement est logiquement placé en position de devoir répondre aux revendications des syndicalistes qui pour l’instant restent modestes : la suspension des nouveaux tarifs de l’eau et de l’électricité, l’ouverture du dialogue sociale sur la question de la "chereté" de la vie, de même que le payement de l’impôt d’une manière non discriminatoire, restent des approches à la portée de l’exécutif. La revue du tarif de l’eau et de l’électricité ne devrait pas créer des problèmes, de même que le payement d’impôt pour tout citoyen. Les positionnements des protagonistes sur ces deux aspects ne sot pas très éloignés. L’autre aspect des revendications de la société civile est particulièrement intéressant. Le gouvernement estime que la grève n’est pas une solution au problème. La société civile est tout aussi d’accord, mais ajoute que c’est tout simplement un moyen. Un moyen de faire prendre conscience de la situation, un moyen aussi de forcer à une discussion sur ce sujet. Solution donc ou moyen ? La question ne devrait même pas se poser en ces termes. La véritable question est de savoir comment le pays, confronté à des problèmes structurels de notre économie, comme d’autres pays en connaissent par ailleurs, va se sortir du bourbier. Le Burundi n’est pas la Grèce vers laquelle toute l’Europe est allé au chevet. Le gouvernement doit mieux prendre conscience de la complexité de la situation comme certains acteurs doivent se garder d’attiser le feu pour des motifs et intérêts divers. Certains acteurs peuvent aussi être l’objet inconscient des manipulations passives comme actives. La voie de sortie est donc la priorité. Et celle-ci devrait être habilement négociée, pour que le bateau qui tangue déjà ne plonge dans la profondeur des eaux. Les portes de sorties ne sont pas encore fermées, puisque la discussion est l’une des revendications. Au moins trois leçons sont en tout cas à tirer de cette action de ce mardi. Un. Un bouchon vient de sauter. Et l’on devrait s’attendre à une suite. Deux. La société civile vient de combler le vide créé par le démembrement des partis politiques qui a réduit l’opposition au silence. Trois. N’ayant pas de projet de société car n’ayant pas l’ambition de prendre le pouvoir, la société civile se trouve pourtant face à face avec le gouvernement. C’est ici que se ressent la nécessité d’une opposition réelle, active, qui avec le pouvoir, canaliseraient mieux les contestations des masses mobilisés par la société civile qui, outre ses rôles traditionnels dont la protection de la société contre les arbitraires de l’Etat, aurait aussi le rôle politique consistant à favoriser les alternances au sommet de l’Etat. Le gouvernement devrait donc être à l’aise, en impliquant à fond différents acteurs, dont la société civile, dans la recherche des solutions au contexte du moment. Ce serait une occasion de responsabiliser toute la société, en l’impliquant dans la définition du nouveau projet de société. Ou plutôt dans la mise en place d’un plan d’exécution du projet de société existant, et si réellement il existe, et dans le cas contraire, le redéfinir. Un tel plan donnerait au peuple les moyens d’espérer, et donc d’attendre. Les plans quinquennaux de développement du colon belge que lui imposait l’ONU sont inspirants. La crise économique est très profonde. Ce qui apparaît (hausse des prix) n’est que les conséquences de cette crise, mais pas les éléments explicatifs. Et il serait très irresponsable de vouloir tirer profit de cette situation en manipulant les opinions à des fins politiciennes ou autre. Ce ne sont pas que les taxes qui expliquent les prix actuels, comme les impôts de dignitaires et autres privilégies ne vont pas résoudre la question du panier de la ménagère. Les Burundais devraient se préparer à une grande réflexion, tout en sachant que toute voie qui sera proposée ne va pas améliorer la situation du jour au lendemain. Nos économies subissent des poids externes car ce sont effectivement des économies dominées, tant du dedans que du dehors. Les milieux des salariés constituent le socle de la contestation. Car ils vivent des salaires. Pourquoi ne pas imaginer une complète réforme du travail de la fonction publique ? On entend parfois certains hauts responsables demander aux fonctionnaires d’être productifs. Mais cette fonction publique "plétorée" a-t-elle les moyens de production ou tout simplement a-t-elle quoi produire ? Conscientes des problèmes auxquels font face les fonctionnaires, les plus hautes autorités du pays appellent à mieux s’organiser par des activités pouvant compenser les trous laissés par les maigres salaires. Au lieu de créer des conditions permettant aux fonctionnaires de le faire, les patrons créent des fiches d’enregistrement des arrivées, des sorties et de rentrer, au lieu de réformer courageusement les horaires des fonctionnaires. C’est peut-être aussi une réflexion à faire. Dans tous les cas il serait heureux que rapidement, les Burundais soient invités à une grande réflexion sur la situation actuelle, et non au boycott de leurs lieux de travail qui ne serait qu’un début de la fin. La grande réflexion a un préalable : l’assainissement de la vie politique. Car en effet, le politique est le principal agrégat de l’analyse et donc du renforcement macroéconomique. C’est lui qui encourage ou décourage les investisseurs intérieurs comme extérieurs. Salvator SUNZU * Journaliste, Diplômé en journalisme (Bordeaux, France) et Licencié en Politiques Economiques et Sociales (Louvain La neuve, Belgique) |