Burundi : Le pouvoir veut son code électoral
Politique

La Libre Belgique, 01/09/2009

Marie-France Cros

Le parlement burundais a ouvert un débat ce lundi sur le futur code électoral. Le parti présidentiel se retrouve seul face à tous les autres partis. Tension.

 L’assemblée nationale burundaise, réunie en session plénière, a commencé lundi à Bujumbura un débat sur le code électoral devant régir les scrutins de 2010 - année d’élections présidentielle, législatives et locales.

Il y a quelques semaines, les Nations unies, qui organisent des réunions entre partis burundais, avaient obtenu une rencontre pour dégager un consensus sur le code électoral à soumettre à l’assemblée nationale, en vue de la prochaine année électorale. Un consensus s’était dégagé jusqu’à ce que la classe politique découvre que le CNDD-FDD, parti présidentiel et grand vainqueur des élections générales de 2005, présentait un autre projet de code après que ses représentants à la réunion onusienne eurent marqué leur accord sur le texte commun.

Les principales divergences entre les deux projets sont trois.

D’abord l’ordre des scrutins. La version consensuelle propose que, comme en 2005, la présidentielle intervienne en dernier lieu; le CNDD-FDD veut commencer par cette dernière. En jeu : si ce second schéma était adopté, il est à craindre que, comme ailleurs en Afrique, une fois annoncé le nom du vainqueur au premier tour de la présidentielle, tout le monde vole au secours de la victoire en ralliant le camp du vainqueur, vidant de leur substance les autres élections. Le système, privé de ses équilibres entre pouvoir et contrôle des autres pouvoirs, ne serait qu’une démocratie de façade.

Autre divergence : les bulletins de vote. Le projet consensuel le veut unique (comme en Belgique), ce qui empêcherait toute intimidation de l’électeur telle qu’elle a été couramment pratiquée jusqu’ici au Burundi grâce au système des bulletins multiples et qui consiste à exiger du citoyen qu’il ramène à celui qui le harcèle tous les "mauvais" bulletins de vote, afin de prouver qu’il a bien voté pour le candidat qu’on veut lui imposer par la peur. Le CNDD-FDD, en revanche, veut s’en tenir aux bulletins multiples - une position qui ravive les craintes de nombreux citoyens du Burundi, où a fait grand bruit, en juillet, la révélation d’un document proposé à la discussion de l’Union européenne et évoquant la dérive "autoritaire" du CNDD-FDD.

Enfin, il y a désaccord sur les cautions exigées pour pouvoir présenter une candidature. Les partis politiques sont favorables à des sommes équivalentes à celles pratiquées en 2005 (ex : 3 millions de FBu (1900 euros) pour se présenter à la présidentielle); le CNDD-FDD veut les accroître considérablement, avec 15 millions pour la présidentielle. "Pour se présenter à la présidentielle et aux législatives, un parti devrait ainsi débourser quelque 50 millions de FBu", s’indigne Gilbert Nibigirwe, le représentant en Europe du Frodebu, principal parti d’opposition. "Seuls 2 ou 3 partis, dans notre pays, sont capables de réunir une telle somme. La population craint qu’on en revienne aux partis qui veulent passer en force".

La tension est en tout cas sensible dans le pays et les ambassadeurs des principaux pays partenaires du Burundi ont fait le week-end dernier une démarche commune auprès des partis représentés à l’Assemblée nationale de Bujumbura pour exprimer leur "inquiétude au sujet de ce qui semble être un tournant regrettable des événements" et appeler les formations à "renouer le dialogue".

Le Burundi a connu en 2005 ses premières élections démocratiques après la guerre civile qui avait éclaté à la suite de l’assassinat, fin 1993, du président Melchior Ndadayé (Frodebu) - premier chef d’Etat hutu du pays, élu au suffrage universel. Les scrutins de 2005 s’étaient traduits par une nette victoire de l’ex-guérilla du CNDD-FDD qui avait battu le Frodebu; les deux formations recrutent dans le même électorat essentiellement hutu. Après une première année encourageante, le pouvoir, dirigé par le président Pierre Nkurunziza - qui pense être l’élu de Dieu plutôt que des partisans du CNDD-FDD - s’est engagé dans une dérive autoritaire : non-respect de certains points de la Constitution; dissensions internes et longue paralysie de l’assemblée nationale avec radiations de députés; attentats politiques; tentatives de justice populaire; tentatives de musellement de la presse.

Points positifs de cette législature : d’abord le pouvoir a fini par s’entendre avec la dernière guérilla hutue encore en activité, le FNL, qui s’est officiellement transformé en parti politique (comme le CNDD-FDD avant lui); mais on ignore encore si elle ira aux élections. Ensuite la confrontation ethnique qui a si longtemps menacé le pays a disparu au profit de confrontations politiques - potentiellement moins meurtrières.