Burundi : La nouvelle loi électorale est en réalité un recul de la démocratie
Politique

@rib News, 14/09/2009

Palais de Kigobe, siège de l'Assemblée nationaleL'Assemblée nationale burundaise a adopté vendredi un projet de Code électoral négocié entre le parti présidentiel (CNDD-FDD) et les deux autres partis de la coalition gouvernementale (FRODEBU et UPRONA).

Selon certains observateurs, le consensus - obtenu à la suite de pressions exercées par la communauté internationale qui a lié son financement du processus électoral à la négociation d'un tel accord - est en réalité un grand recul de la démocratie par rapport à la loi électorale de 2005.

Ainsi, apprend-on de source sur place, après une nuit de débat et marchandages, l'UPRONA a gagné le système des forts restes et le maintien du système de cooptation qui lui est favorable, croit-il, et le FRODEBU a gardé le coq sur le bulletin de vote, emblème qu’il se disputait avec son aile dissidente FRODEBU-Nyakuri de Jean Minani.

En contrepartie, les deux partis ont abandonné leurs exigences sur le bulletin unique. Il y aura donc de bulletins multiples avec double décompte, ceux de l’urne et ceux jetés dans le sac. La CENI aura la latitude d'annuler le scrutin sur un bureau quelconque s'il s'avérait un écart trop important entre bulletins distribués et décomptés. Une formule floue qui arrange le pouvoir CNDD-FDD.

Selon des observateurs, la caution de quinze millions de Francs exigée aux candidats à la présidence est excessive et prohibitive, sans compter les cautions de quatre cent mille pour chaque candidat sénateur et cinq cent mille pour chaque candidat député.

Les partis ayant besoin de tout cet argent pour battre campagne, cette exigence va favoriser les partis nantis, ceux qui sont en train de piller les caisses de l'Etat ou qui se sont déjà servis, à savoir le CNDD-FDD, l'UPRONA et le FRODEBU, raison pour laquelle ils ont soutenu cette exigence.

La nouvelle loi électorale prévoit l’exclusion du Parlement de tout député ou sénateur qui quitte son parti, ce qui est, selon des experts, un autre recul de la démocratie puisque contraire à la Constitution notamment aux articles 149 [Le mandat des députés et des sénateurs a un caractère national. Tout mandat impératif est nul. Le vote des députés et des sénateurs est personnel.] et 156 [Le mandat de député et celui de sénateur prend fin par le décès, la démission, l’incapacité permanente et l’absence injustifiée à plus d’un quart des séances d’une session ou lorsque le député ou le sénateur tombe dans l’un des cas de déchéance prévus par une loi organique].

La nouvelle loi électorale est aussi contraire à la Loi organique portant Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale en son article 15 qui précise clairement les conditions de perte de mandat d'un député, le cas d'exclusion n'étant mentionné nulle part.

La nouvelle loi électorale votée a donc été taillée sur mesure pour le parti au pouvoir et quelques individus, comme Jean Minani, y retrouvent leur compte puisqu’il a été précisé que cette loi n'aura pas d'effets rétroactifs. Ainsi la nouvelle loi, qui prévoit l’exclusion de députés ou sénateurs qui changent de parti, ne concernera pas les parlementaires qui ont démissionné de leurs partis avant la promulgation de cette loi, donc Jean Minani & Cie ne sont pas concernés.

L'adoption de cette loi a déjà commencé à faire des dégâts. Ainsi six sénateurs du CNDD-FDD et deux du FRODEBU viennent de claquer la porte de leurs partis respectifs, précaution prise de démissionner avant la promulgation de la nouvelle loi.

La campagne électorale de 2010 s’annonce enflammée et très dure. Les forces en présence commencent à se regrouper en ordre de bataille et le rapport de forces s'annonce tendu pour garder ou conquérir le pouvoir.