Burundi : L’issue de la mission du Conseil de sécurité laisse dubitatif
Opinion

Le Pays, 22/01/2016

Mission onusienne au Burundi : Pour faire quoi ?

C’est en principe aujourd’hui, 22 janvier 2016, qu’une délégation dépêchée à Bujumbura par le Conseil de sécurité des Nations unies, sera reçue par le président burundais, Pierre  Nkurunziza, pour une énième tentative (désespérée ?) de faire accepter par ce dernier, l’idée d’un dialogue avec l’opposition burundaise en exil, ainsi que le déploiement par l’Union africaine (UA) de 5 000 hommes afin de mettre fin aux violences.

Quand on sait que Nkurunziza a déjà affiché son hostilité à l’initiative de tout dialogue qui ne concernerait pas uniquement les Burundais de l’intérieur et qui ne se tiendrait pas au Burundi, on ne peut qu’être pessimiste quant à l’issue de cette rencontre entre les autorités burundaises et la mission onusienne.

Que vont-ils se dire qui ne soit déjà connu sur la crise au Burundi et sur l’entêtement morbide de Nkurunziza à refuser toute intervention extérieure dont la finalité est de ramener le pays aux sources de la paix sociale, c’est-à-dire aux accords d’Arusha ?

Que peuvent-ils faire là où l’UA se hâte lentement d’intervenir alors même que l’article 4H de son acte constitutif le lui permet en cas de circonstances graves, comme les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité ?

Pourquoi autant de magnanimité envers Pierre Nkurunziza, alors qu’en matière de respect des droits de l’Homme au Burundi, tous les signaux sont au rouge, de l’aveu même des experts en charge de la question à l’ONU ?

Bref, pourquoi ce petit chef d’Etat, africain de surcroît, fait-il autant hésiter la communauté internationale alors que le bilan humain de ses quelque huit mois de forfaiture fait froid dans le dos ?

Plus de 400 arrestations arbitraires, 439 morts, 213 tortures et une vingtaine de cas de viol depuis le 28 avril 2015, et ces chiffres sont probablement en deçà de la réalité. Les réponses à cette série de questions se trouvent dans l’histoire mouvementée du Burundi et dans le contexte géopolitique africain où des conflits armés naissent et croissent de façon exponentielle, obligeant la communauté internationale et africaine à mobiliser des troupes d’interposition parmi lesquelles on compte de nombreux soldats burundais.

On comprend dès lors le dilemme de la Communauté internationale, obligée de jouer la carte de la prudence pour ne pas ouvrir la boite de Pandore dans ce pays où les douloureux souvenirs de la guerre civile sont encore vivaces, et pour ne pas dégarnir les forces internationales opérant sur divers théâtres en Afrique. Des menaces auxquelles on pourrait ajouter le rappel prévisible des contingents burundais par le pouvoir de Bujumbura.

On peut parier que les rencontres tous azimuts prévues à Bujumbura vont accoucher d’un souriceau

En clair, entre Nkurunziza et la communauté internationale, c’est un peu l’image du moustique posé sur les parties intimes dont on ne sait trop comment s’en débarrasser sans se faire soi-même mal. Le président burundais est bien conscient en effet de ce casse-tête…burundais, tout comme il sait que l’option d’envoi des troupes d’interposition par l’UA ou par l’ONU risque de se heurter à l’opposition de certains de ses pairs africains et de la Russie, qui sont plus que frileux à chaque fois qu’un œil extérieur louche vers les affaires intérieures d’un autre Etat.

On a vu, en effet, le sourire narquois et la désinvolture avec lesquels l’un des conseillers du président Nkurunziza, Willy Nyamitwe, a accueilli la décision de l’UA de mettre cinq mille fantassins au service de la paix au Burundi, simplement parce qu’il sait que son maître à penser peut compter sur des pays de la région comme l’Ouganda et surtout la Tanzanie qui préside actuellement le Conseil de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est.

Dans ce contexte de mépris évident de l’instance africaine par Nkurunziza et ses sous-fifres, on peut d’ores et déjà parier que les rencontres tous azimuts prévues à Bujumbura les 21 et 22 janvier 2016 entre les protagonistes de la crise, vont accoucher d’un souriceau.  Pour autant, il serait inconcevable que l’ONU se résigne comme semble le faire l’UA, à laisser les autorités burundaises continuer de fanfaronner, en se donnant l’illusion d’être inattaquables en raison de la fragilité de la situation sociale et de la contribution non négligeable du pays dans les opérations de maintien de la paix.

Toutefois, on pourrait assister, dans les prochaines semaines et n’en déplaise au clan Nkurunziza, à la mise en route effective de la Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (le Maprobu), avec le soutien financier des Nations unies. Et si, pour des raisons fallacieuses, les Etats africains venaient à se débiner, l’ONU devrait ordonner à ses troupes actuellement déployées en RDC voisine, de franchir la frontière pour empêcher, par tous les moyens, la commission des meurtres et des assassinats par « les soldats s’en-fout la mort des autres » de Pierre Nkurunziza.

Certes, il faut se garder de trop rêver mais c’est la seule solution qui vaille face à un président autiste et à une UA laxiste, si tant est que l’objectif des Nations unies soit d’empêcher  des Burundais de massacrer sans discontinuer d’autres Burundais, avec, à terme, un pogrom comme ceux que le pays a connus dans les années soixante-dix et quatre-vingt-dix. Mais en attendant, et au regard du laxisme chronique de l’UA et de l’ONU, on est fondé à se demander ce que la mission onusienne vient faire à Bujumbura, elle qui a déjà produit plus d’un rapport sur la situation burundaise.

Hamadou GADIAGA