Le Burundi ouvre un dossier pénal contre France 3 et Me Bernard Maingain
Justice

PANA, 29 janvier 2016

Burundi : des procédures contre France 3 et un avocat belge pour "complot contre l’autorité de l’Etat"

Bujumbura, Burundi - Un dossier pénal à charge de France 3 et de Me Bernard Maingain a été ouvert sous plusieurs chefs d’accusation, dont le "complot contre l’autorité de l’Etat", trois semaines après la diffusion, par la chaîne de télévision française, d’images provenant de l’avocat du barreau de Bruxelles, en Belgique, qui montraient des scènes horribles et froides faites d’exécutions sommaires, de torture et de mutilation sur des opposants burundais, attribuées aux "Imbonerakure", de jeunes affiliés au parti au pouvoir, a rapporté, vendredi, la radio nationale, citant une source haut placée dans l’appareil judiciaire burundais.

D’après la même source, le dossier est maintenant entre les mains de Aristide Nsengiyumva, l’actuel procureur de la République à Karusi, une province reculée de l’est du Burundi où les scènes d’horreur supposées ont été filmées au mois de décembre dernier.

Plusieurs autres chefs d’accusation ont été retenus, comme l’"attentat contre l’autorité de l’Etat", l’"attentat contre la sûreté intérieure de l’Etat" ou encore l’"outrage envers le chef de l’Etat", a détaillé le procureur de la République à Karusi, en précisant que la liste n’était toutefois pas "exhaustive", parce que les enquêtes continuaient.

L’affaire arrive en justice, deux semaines après une déclaration du gouvernement burundais qui s’était montrée particulièrement sévère à la fois envers France 3 et plusieurs autres médias occidentaux, dont Radio France internationale (RFI) et la chaîne de télévision France 24, pour leur couverture jugée "tendancieuse" des événements en rapport avec la crise du moment au Burundi qui est liée, en grande partie, à un conflit électoral violent mal résolu entre le pouvoir et l’opposition depuis plus de neuf mois.

Certains de ces médias ont déjà fait les frais de la crise comme c’est le cas du correspondant local de RFI et de l’agence France presse (AFP), Esdras Ndikumana, qui a été obligé de fuir son pays après s’être plaint de mauvais traitements de la part des services spéciaux du renseignement burundais pour une prise à chaud d’images sur le lieu d’assassinat d’un influent général de l’armée nationale, Adolphe Nshimirimana, suite à un attentat spectaculaire à la roquette, en pleine journée, dans la ville de Bujumbura.

Pas plus tard que jeudi encore, un envoyé spécial du journal français le Monde, Jean-Philippe Rémy, et un photographe britannique, Phil Moore, travaillant également pour le compte du Monde et de l’agence France-Presse, ont été arrêtés, en compagnie de 15 autres jeunes burundais présentés par la police comme étant de présumés "malfaiteurs" en armes, dans un quartier contestataire du régime à Bujumbura.

Les deux journalistes sont toujours détenus par la police burundaise, officiellement pour des besoins d’enquêtes poussées sur les raisons exactes de leur présence à Nyakabiga, l’un des quartiers de la capitale burundaise où subsiste une insurrection contre le troisième mandat du chef de l’Etat actuel, Pierre Nkurunziza, jugé contraire à la constitution et l’accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation nationale.

La déclaration officielle du 18 janvier allait encore plus loin en se demandant « si les autorités françaises approuvent les actions déstabilisatrices de ses médias, ou s’il s’agit d’initiatives personnelles de chaque organe à des fins purement commerciales, auquel cas le gouvernement burundais prendra les dispositions appropriées pour mettre fin à la promotion du mensonge, de la haine et des violences qui en découlent, sans exclure la traduction en justice des auteurs de ces montages ».

La conviction exprimée dans la déclaration par le gouvernement burundais est que l’argument du troisième mandat du Président Nkurunziza "n’est qu’un prétexte pour justifier la mise en exécution d’un plan de déstabilisation du Burundi élaboré depuis de longues dates à travers tous ces montages visant à manipuler et induire en erreur l’opinion internationale, jusqu’au secrétariat général des Nations unies et à l’Union européenne".

La Communauté internationale soutient officiellement le dialogue inclusif de tous les protagonistes de la crise au Burundi, tout en excluant pas le recours à une force d’interposition en cas d’aggravation de la situation dans ce pays des Grands Lacs africains où on dénombre déjà au moins 400 tués et autour de 300.000 réfugiés en neuf mois d’une logique de la violence qui prime sur celui d’une solution négociée et pacifique.

Malgré le refus du gouvernement d’ingérence dans les affaires intérieures du pays, un sommet ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’Union africaine (Ua) prévoit, en principe, de se pencher, ce week-end, sur les voies et moyens de sortir le Burundi de la crise, y compris par un déploiement d’une mission militaire africaine de stabilisation forte d’au moins 5.000 militaires.