Burundi : La «diplomatie préventive» de l’UA reprend ses droits
Diplomatie

PANA, 22 janvier 2018

Bujumbura, Burundi - Le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza (photo, à droite) a reçu en audience, lundi, le nouvel Envoyé spécial de l’Union africaine (UA), Basile Ikouebé (photo, à gauche), un adepte engagé d’une «diplomatie préventive» et déterminé à collaborer dans la mise en œuvre des politiques communes «en matière des droits humains, de la paix, de la sécurité et de la bonne gouvernance», a-t-il indiqué au sortir de l’audience.

«Nous tirerons aussi sur la sonnette d’alarme quand cela s’avérera nécessaire», a avisé le diplomate à la carrière fournie, notamment en tant qu’ancien Ministre congolais des affaires étrangères et de la coopération internationale, puis Représentant permanant de son pays aux Nations unies.

La diplomatie panafricaine avait marqué le pas ces derniers temps et «c’est le premier contact au sommet de l’Etat burundais depuis ma nomination», en octobre 2017, a-t-il précisé.

Le diplomate congolais arrive au Burundi dans un contexte relativement apaisé par rapport à ses prédécesseurs, notamment le Sénégalais Abdoulaye Bathily, et l’Algérien Said Djinnit, qui n’avaient pas survécu à la crise politique autour des élections controversées et émaillées de violences de 2015.

Les deux diplomates africains avaient été obligés de jeter l’éponge face aux accusations insistantes pour leur supposée partialité en faveur de l’une ou l’autre partie prenante à la crise burundaise.

Le nouvel Envoyé spécial de l’UA doit s’attacher à booster un dialogue politique qui peine à décoller depuis bientôt trois ans, malgré la persistance d’une crise dont l’une des conséquences humanitaires est le maintien en exil de plus de 400.000 burundais, selon les chiffres des Nations Unies qui seraient toutefois exagérés, à en croire le pouvoir burundais.

Le climat politique du moment est rendu lourd par des réformes constitutionnelles, en prélude aux prochaines élections générales de 2020.

Un référendum populaire sur une nouvelle Constitution amendée est prévu au courant du mois de mai prochain, sur fond de menaces de l'opposition de le boycotter, en l'absence d'un dialogue visant à aplanir préalablement le contentieux électoral de 2015.

L'opposition en appelle aux pressions de l'UA et du reste de la communauté internationale pour empêcher la révision de la Constitution de 2015 alors que c'est une question qui relève de la souveraineté nationale, répond le pouvoir burundais.

Dès le début de la récente crise de 2015, l’Union africaine (UA) n’a ménagé aucun effort pour son règlement pacifique, dans le cadre de l’accord inter-burundais d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, ayant mis fin au précédent grave conflit politico-ethnique dans ce pays des Grands lacs.

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA a multiplié des projets de résolutions face aux menaces jugées «sérieuses» qui pèsent sur la paix et la sécurité au Burundi, ainsi que ses implications sur l’ensemble de la région des Grands lacs.

La décision, remontant à décembre 2015, de déployer une «Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu), forte de 5.000 hommes, a été le premier signal fort de la gravité de la situation dans le pays.

Convaincu qu'il a les moyens de régler les problèmes politiques et sécuritaires du pays, le gouvernement burundais avait aussitôt opposé une fin de recevoir à la «force d’invasion et d’occupation» de l'UA, menaçant de la combattre, s’il le fallait.

En janvier 2016, l’UA a changé de fusil d’épaule, préférant orienter ses efforts dans le sens d’un dialogue inclusif de toutes les parties prenantes à la crise burundaise, avec l’aide de 200 experts militaires et des droits humains qui n’ont à ce jour dépassé la quarantaine d’éléments.

Vers la fin du mois de janvier 2016, l’Union africaine avait matérialisé son souci d’une solution politique négociée en dépêchant, à cet effet, une délégation de haut niveau au Burundi.

Les présidents Mohamed Ould Abdel Aziz de Mauritanie, Jacob Zuma d’Afrique du Sud, Ali Bongo du Gabon, Macky Sall du Sénégal et le Premier ministre éthiopien, Hailemariam Desalegn ont séjourné à Bujumbura, les 25 et 26 février, sans toutefois venir à bout des animosités des acteurs politiques burundais, toujours murés dans un dialogue de sourds.

Dans les années 1990, l’organisation panafricaine s’était encore montrée assidue dans la cessation des hostilités liées à la guerre civile de l’époque et la consolidation de la paix retrouvée.

Cela s’était traduit par le déploiement réussi d’une «Mission de protection au Burundi» (Miprobu), dans la foulée de l’assassinat, par des militaires insurgés, du président démocratiquement élu, Mlchior Ndadaye, suivi de massacres interethniques à l’échelle de plus de 300.000 personnes, essentiellement des civils.

Entre 2003 et 2004, la Miprobu avait été remplacée par une « Mission africaine au Burundi (Miab), chargée de superviser la mise en application de l’Accord global de cessez-le-feu dans la guerre civile passée.

La force était constituée de 2.645 soldats, dont 866 en provenance de l'Ethiopie, 228 du Mozambique et 1.508 d’Afrique du Sud, en plus de 43 observateurs militaires venus du Bénin, du Burkina Faso, du Gabon, du Mali et de la Tunisie.

La Miab a également aidé dans le programme de désarmement, à la démobilisation et à la réintégration (DDR) des anciens combattants rebelles et gouvernementaux de la guerre civile burundaise.

L’UA a toujours agi, main dans la main, avec les autres acteurs internationaux au chevet du Burundi, notamment les Nations Unies.

C’est ainsi qu’en juin 2004, l’UA a préparé le terrain à une plus robuste «Opération des Nations Unies au Burundi » (ONUB), forte de 5.650 casques bleus pour contribuer à la stabilité politique et économique du pays, au sortir de la guerre.

La présence des Nations Unies est aujourd’hui matérialisée par un Envoyé spécial au Burundi, en même temps ancien président du Burkina Faso, Michel Kafando, agissant en étroite concertation avec l’UA et la Communauté d’Afrique de l’Est.

Les positions entre les deux organisations se sont toutefois distendues depuis que la Cour pénale internationale (CPI) a décidé, en novembre dernier, d’ouvrir des enquêtes sur de supposés «crimes contre l’humanité» au Burundi, contre l’avis d’un certain nombre de pays africains.