Burundi, une normalité de façade ?
Analyses

France Culture, 20/04/2018

L’événement devait être un signe de l'apaisement au Burundi ; mais le sommet du Comesa prévu aujourd’hui a été discrètement reporté. A un mois d’un référendum crucial pour l’avenir du pays, la normalité burundaise n'est-elle que de façade ?

Le référendum doit être l’aboutissement de deux ans de crise. Il pourrait permettre au chef de l’Etat en place depuis 2005 (Pierre Nkurunziza) de présider le pays jusqu’à 2034, ce que l’opposition refuse. Les heurts politiques ont déjà tués plus de 1700 personnes et déplacé 400 000. 

Sous la pression internationale qui craignait un génocide, le parti au pouvoir CNDD-FDD du président Nkrurunziza a lissé son discours et avait entamé un dialogue avec l’opposition. Mais les rapports des médias, ONU et ONG montrent un dialogue qui ne se poursuit qu'en pointillés et l’étouffement de toute contestation. La campagne du référendum qui ne peut légalement commencer que 15 jours avant le vote est menée par le pouvoir depuis décembre, "campagne d'explication" qui alterne entre enrôlements forcés et vagues d'emprisonnement. 

La crise est aussi économique et sanitaire (le Burundi est un des trois pays les plus pauvres au monde) et il y a urgence de rétablir une vie économique. Après le coup d'éclat du retrait de la CPI, les autorités burundaises ont entamé depuis le début de l'année un processus de réintégration économique, voire de normalisation politique. 

Ce sommet du COMESA, Marché commun de 19 Etats d’Afrique de l’Est et Australe devait entériner cette normalisation du Burundi : «Ce sera aussi l’occasion de montrer à la communauté internationale que le Burundi vit en paix, qu’il n’y a pas de crise contrairement à ce que continuent à dire ses détracteurs», dit la Présidence du Burundi. 

Or le sommet a été évacué sans plus d'explication. Jusqu’où le discours de normalité peut tenir le pays ? Y a-t-il eu une stratégie internationale d'échanger une normalisation contre un apaisement, et a-t-elle montré ses limites?  

Apparemment le sommet ne se tiendra pas… Preuve qu’à un mois du referendum controversé la communauté régionale et internationale reste réservée sur le soutien à apporter à ce pays…

Si la modification constitutionnelle est approuvée, rien n’empêchera Pierre Nkurunziza de briguer de nouveaux mandats jusqu’en 2034, ce que l’opposition dénonce comme une trahison démocratique.

Crise politique, accompagnée d’une crise économique et humanitaire… Jusqu’au le discours de normalité peut-il tenir le pays ? 

Les enjeux internationaux - Par Xavier Martinet

Intervenant : Nestor Bidadanure

Intellectuel franco-burundais, Docteur en philosophie, écrivain et journaliste, il est spécialiste de la résolution des conflits

Ecouter sur France Culture : Cliquez ici