Maggy Barankitse: "Le Burundi est devenu un cimetière"
Opinion

RTBF, 17 mai 2018

Le Burundi s'enfonce-t-il dans une dictature ? "Le pays est devenu un cimetière"

Le Burundi est en train de vivre une nouvelle étape historique. Ce jeudi, les électeurs burundais ont voté sur la révision de la Constitution. Une révision qui vise à renforcer les pouvoirs du président Pierre Nkurunziza, en place depuis 2015. L'opposition a été complètement muselée dans le pays. Alors, le Burundi s'enfonce-t-il dans une dictature ? [Photo : Maggy Barankitse.]

Pour tenter d'y voir plus clair, Arnaud Ruyssen a abordé la question avec Maggy Barankitse, une Burundaise qui s'investit à offrir une vie meilleure à des dizaines de milliers de Burundais réfugiés au Rwanda. Mais aussi avec Bernard Maingain, avocat spécialiste du Burundi.

Tortures, mutilations, castrations

Maggy Barankitse travaille notamment avec des femmes. "C’est horrible ce qu’on leur a fait ! On les violait et, après les avoir violées, on prenait du plastique avec une bougie pour brûler leur sexe. C’est catastrophique ! D’autres jeunes ont été mutilés au niveau de leurs organes génitaux. Un jeune de 19 ans, par exemple, a été complètement castré. Ils nous racontent des horreurs. D’autres ont été enfermés dans des containers. J’ai rencontré une famille dont on a violé la grand-mère, la fille et la petite-fille de 12 ans qui a perdu maintenant la voix." Et au-delà des séquelles physiques, il est essentiel de travailler à reconstruire des traumatismes importants. 

Le Burundi est un pays abandonné

Également invité au débat, Bernard Maingain, avocat spécialiste du Burundi, réagit de manière spontanée et pleine d'émotion : "Avec des enquêteurs, j'ai reçu face à moi des récits de jeunes torturés. Des récits d’enfants qui se sont retrouvés coincés dans des containers, enchaînés à des gens qu’on tuait sous leurs yeux. Ils ont raconté comment ils ont été battus. Alors il faut bien comprendre les choses : le Burundi est un pays abandonné. Abandonné parce qu'en géopolitique internationale, il ne représente rien.

Les accords d'Arusha en danger

Maggy Barankitse ne plie pas l'échine. "Depuis les atrocités d’octobre 1993, j’ai décidé que, même si c’est très dur, je ne me tairai pas ! Le Burundi est devenu un cimetière. On avait eu l’espoir avec les accords d’Arusha (accords de paix signés en 2000 sous l'égide de Nelson Mandela pour tenter de mettre fin à la Guerre civile burundaise, ndlr) que nous pourrions enfin vivre en paix." Malgré tout, elle veut rester optimiste. "Je suis convaincue qu’un jour nous pourrons retrouver notre dignité. Il y a l’espoir, même si on ne voit pas le bout du tunnel. Comme disait Mandela : l’unique moyen de rendre le monde meilleur, c’est l’éducation."

Pour l'avenir, Bernard Maingain, doute de la solidité des bases de ce pouvoir autocratique qui va à sa perte. "Par son système de violence, le régime du Burundi crée les conditions de sa propre fragilité." Pour la suite, l'avocat espère qu'un jour, justice sera faite. "L’énorme responsabilité qui nous est donnée aujourd'hui est que les coupable de ces choses-là, qui aujourd'hui participent au pouvoir et au partage du gâteau, que ces coupables-là se retrouvent un jour en justice."

Lucie Hermant