Décryptage de l’arrêt de la Cour de l’EAC sur le 3è mandat de Nkurunziza
Analyses

La Libre Belgique, 6 décembre 2019

Burundi: la Cour de justice est-africaine ne se prononce pas sur l’éligibilité de Pierre Nkurunziza

La Cour de justice de l’EAC (East African Comunity) a rendu le 3 décembre son arrêt sur l’élection de Pierre Nkurunziza. Décryptage.

Le Burundi est plongé depuis avril 2015 dans une profonde crise politique provoquée par la volonté du président Pierre Nkurunziza de se présenter à un troisième mandat de 5 ans. Ce dernier est expressément interdit par l’Accord de paix d’Arusha, socle de la Constitution burundaise de 2005.

Mais est-il interdit par cette Constitution? Celle-ci est plus ambiguë. Un réseau régional d’organisations de la société civile, EACSOF, avait donc saisi la Cour de justice de l’EAC (East African Comunity), dont le Burundi est membre. Celle-ci a rendu son arrêt cette semaine.

Elle ne se prononce pas sur la constitutionnalité de la candidature

La Libre Afrique.be a interrogé le constitutionnaliste belge Stef Vandeginste, professeur à l’Université d’Anvers et spécialiste du Burundi, pour expliquer ce texte juridique.

Le juriste note que la Cour consacre une bonne partie de son arrêt à établir sa compétence et la procédure, précisant notamment qu’elle « n’est pas une instance d’appel contre l’arrêt de la Cour constitutionnelle du Burundi » qui en mai 2015 avait jugé légal le troisième mandat de Pierre Nkurunziza (2015-2020) en considérant que la restriction à deux mandats ne pouvait concerner que ceux issus d’une élection directe, alors que le premier mandat du chef de l’Etat (2005-2010) résultait d’une élection indirecte par des parlementaires élus directement.

Vandeginste souligne que la Cour est-africaine « n’évalue pas la légalité de la nomination de Pierre Nkurunziza comme candidat de son parti en 2015, ni en droit national, ni en droit international ».

« Elle ne se prononce pas non plus sur la question de savoir si la candidature de Pierre Nkurunziza était ou non conforme à la Constitution du Burundi, à l’Accord de paix d’Arusha ou au Traité régissant l’EAC.

Elle se prononce uniquement sur l’éventuelle responsabilité de l’Etat burundais occasionnée par l’arrêt rendu par sa Cour constitutionnelle en 2015. Autrement dit, elle établit si cet arrêt peut constituer une violation du droit international régissant l’EAC, comme le serait par exemple un flagrant déni de justice. Et elle conclut que l’arrêt burundais de 2015 ne constitue pas une « décision judiciaire outrageuse » (« outrageous judicial decision »).

L’arrêt de la cour de l’EAC ne peut donc être considéré comme une confirmation de la légalité de ce troisième mandat.