RDC : L’arrivée de 1400 Burundais à Goma crée le malaise
Sécurité

La Libre Belgique16 mars 2020

Émoi à Goma, en raison de l’arrivée depuis vendredi dernier, de quelque 1400 Burundais fuyant leur pays. La population locale semble peu apprécier ces arrivées et le ministre provincial de l’Intérieur et de la Sécurité a appelé à l’apaisement en attendant une décision des autorités.

Quelque 1400 Burundais sont arrivés vendredi dernier au quartier Lac Vert à Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Les arrivées de Burundais se multiplient au Kivu, ces derniers mois, en raison de l’accroissement des violences politiques au Burundi, en raison de la proximité des élections présidentielles prévues en mai prochain ?

Fatiguées de l’afflux d’étrangers, les autorités du Nord-Kivu veulent croire que le calme est revenu au Burundi, malgré de nombreux rapports d’ONG et de l’ONU indiquant le contraire.

Les fidèles de Zebiya

Selon le journal local La Prunelle, les réfugiés du Lac Vert seraient à Goma pour commémorer le 7e anniversaire du massacre de Businde (Burundi).

Ce dernier avait été perpétré par la police e l’armée burundaises le 12 mars 2003 contre des fidèles non armés de la « prophétesse » Zebiya, à leur sanctuaire de Businde (Kayanza, au nord du Burundi). La police avait ouvert le feu contre la foule, qu’elle voulait empêcher d’atteindre le sanctuaire ; on avait déploré 9 morts et une quarantaine de blessés.

Née en 1986, Zebiya – qui n’a pas dépassé la 3ème primaire à l’école- était une jeune dévote dont l’enthousiasme a d’abord été apprécié de l’Église catholique burundaise, qui la chargea de former une troupe de chanteurs/danseurs pour les fêtes religieuses. Peu à peu, l’adolescente y ajouta des prières, puis des prédications et enfin des visions de la Vierge Marie. Avec les années et son succès grandissant, elle établit des pèlerinages à Businde chaque 11 du mois, près de la maison de ses parents.

Rupture avec l’église catholique

Alors que des foules grandissantes témoignaient du succès de Zebiya, ses relations avec l’Église catholique devinrent plus tendues. L’institution lui reproche de s’écarter du dogme : la prophétesse » interdit de consommer certains aliments, d’utiliser certains livres scolaires, donnés par le Président Pierre Nkurunziza, ordonne aux femmes de se voiler la tête pour assister à la messe.

Les 6 et 7 décembre 2012, l’État burundais mobilise la population pour détruire les constructions et objets de culte de la secte – y compris des statues de la Vierge et des croix. Cette décision suit la rupture entre fidèles de Zebiya et l’Église, en octobre 2012, quand les premiers refusent d’obéir au curé local qui exige que les femmes ôtent leur voile.

Chasse aux sorcières

Le massacre de Businde, le 12 mars suivant, ouvre une période de chasse aux sorcières pour les fièdels, alors que Zebiya entre en clandestinité. Des centaines de fidèles sont arrêtés en raison de leur foi dans la « prophétesse ». Des milliers d’autes fuient le pays, notamment à la faveur de la crise déclenchée en avril 2015 par l’obstination de Pierre Nkurunziza à se maintenir au pouvoir malgré l’interdiction qu’en fait l’accord de paix d’Arusha qui mit fin à la guerre civile (1993-2005 ; 300.000 morts).

Massacre à Kamanyola

Une partie de ces fidèles ont trouvé refuge au Sud-Kivu où ils vivent comme ouvriers agricoles, gagnant un dollar par jour. Mais le 15 septembre 2017, des militaires congolais ouvrent le feu sur une foule de fidèles burundais à Kamanyola, faisant 37 morts. Alors que 2500 d’entre eux protestaient contre l’expulsion de quatre des leurs au Burundi, un des propriétaires avait saisi le fusil d’un militaire congolais, déclenchant le drame.

L’arrivée à Goma de ces Burundais suscite un rejet de la population du Nord-Kivu, déjà traumatisée par les violences attribuées aux rebelles ougandais dans le nord de la provinc e (Beni) et la peur d’être envahie par les pays voisins, peur attisée par des politiciens à la recherche de popularité. Le tout sur fond de violences quotidiennes de la part de groupes armés locaux et rebelles hutus rwandais. 

En fin de journée, on apprenait que le gouverneur du Nord Kivu, Carly Nzanzu, avait décidé leur départ. Ils ont été conduits au port de Goma mais leur destination n’est pas claire: le Sud Kivu ou le Burundi?

Par Marie-France Cros