Indignations après l'expulsion d'experts de l'OMS du Burundi
Diplomatie

Deutsche Welle, 15.05.2020

En pleine pandémie, les quatre experts devaient quitter le pays au plus tard ce vendredi sans aucune explication. Selon des observateurs, cette expulsion est digne d'un régime autocratique.

L’organisation mondiale de la santé (OMS) attend toujours des clarifications de Gitega, la nouvelle capitale burundaise. Les quatre experts onusiens déclarés personae non grata devaient quitter le Burundi au plus tard ce vendredi (15.05.20).

"Un orage se prépare au Burundi", a écrit Human Rights watch (HRW) à propos de cette expulsion des experts de l’OMS et des élections générales du mercredi (20.05.20). Le Burundi avait déjà expulsé en 2010 la représentante de l’organisation.

Négation du virus

Lewis Mudge, directeur Afrique centrale pour HRW, affirme que le pays a recouru à des "tactiques familières" pour expulser ces experts de l'OMS.

Selon le docteur Helga Dickow, du Arnold-Bergsträsser-Institut de Fribourg en Allemagne, cette expulsion doit être analysée sous l’aspect d’un régime autocratique qui dissimule la réalité de la pandémie :

"On observe cela aussi en ce temps de pandémie dans d’autres pays. Plus le régime est autocratique, plus grande est la négation des chiffres du virus. Le régime veut montrer qu’il a tout sous contrôle et que le virus n’est pas une menace pour le pays. Parallèlement, on cache les mauvais soins de santé  dans ces pays, et cela au grand dam de la population."   

Le Burundi compte officiellement 27 cas positifs. L’OMS a souvent reproché aux autorités burundaises leur gestion de la crise. Le pouvoir affirme en effet que le pays est protégé car "béni par dieu".

Rachel Nicholson, chercheuse sur le Burundi pour Amnesty International, dénonce un régime qui ferme l’accès à l’information :

"Dans le contexte actuel avec une crise partout dans le monde, c’est très inquiétant de voir cette décision. Le droit à la santé des Burundais est aussi très important. Il faut la transparence, il faut aussi l’accès à l’information pour tous les Burundais en ce qui concerne la santé."  

Scrutin sans enjeux ?

Cette expulsion intervient alors que le Burundi est en pleine campagne pour les élections générales dont une élection présidentielle. Sept candidats sont en lice. Le président  sortant Pierre Nkurunziza, qui ne se représente pas après trois mandats, a désigné son dauphin Evariste Ndayishimiye.   

L’opposition burundaise crie à la fraude. La Commission électorale indique qu’il n’y a pas d’espace suffisant pour afficher les listes électorales et les observateurs internationaux sont absents.

David Gakunzi, président de la plateforme Paris global forum, prédit que l’élection présidentielle est jouée d’avance.     

"Manifestement, les Burundais veulent le changement. Mais il me semble que la fraude est déjà organisée. Tout cela parce qu’il y a des gens qui sont au pouvoir et qui ne veulent pas partir parce qu’ils savent que s’ils quittent le pouvoir, ils se retrouveront devant les tribunaux pour les crimes commis durant l’exercice de leur pouvoir."

M. Gakunzi redoute une période difficile après ces élections. Il entrevoit des « protestations avec répressions » si le CNDD-FDD s’accroche au pouvoir.  

Pourtant, les observateurs ne se font aucun doute du vainqueur du scrutin présidentiel. Il reste à observer l’après scrutin pour ce qui concerne la gestion de la Covid-19.  On observe en effet des foules réunies lors des meetings de campagne des partis politiques, sans respect des gestes barrières.