Epilogue d’une campagne électorale tumultueuse au Burundi
Politique

PANA, 17 mai 2020

Bujumbura, Burundi - Les candidats au triple scrutin présidentiel, législatif et communal du 20 mai prochain en étaient, dimanche au terme de trois semaines de campagne électorale, marquée par « des actes d’intolérance politique, de provocation, de chasse à l’homme, de persécution, de propos menant parfois aux affrontements et aux morts inutiles », résume mieux, une déclaration de la puissante Eglise catholique du Burundi (plus de 60% de la population).

La même Eglise a encore été pratiquement la seule à donner de la voix « en cette période de campagne électorale qui se déroule pendant que presque tous les pays du monde sont menacés par le COVID-19 ».

« Nous exhortons tous nos compatriotes à rester engagés dans la lutte contre cette pandémie en respectant les mesures de protection de soi-même et des autres », a-t-elle donné de la voix.

La campagne a retenti au-delà des frontières du pays, comme du côté de « Human rights watch » (HRW, une organisation internationale de défense des droits humains), alertant sur un « orage » qui se prépare au Burundi.

RW note qu’au moment où la plupart des pays du monde essayent de ralentir la progression du Covid-19 et de limiter les pertes en vies humaines qu’il entraine, "le Burundi expulse des experts de la santé".

Quatre experts de l’organisation mondiale de la santé (OMS) ont été déclarés déclarés « persona non grata » et avaient jusqu'au 15 mai pour quitter le territoire burundais.

L'ONG internationale s'offusque encore du fait que le gouvernement burundais a informé la Communauté d’Afrique de l’Est que son équipe d’observateurs électoraux serait soumise à une quarantaine obligatoire de 14 jours si elle se rendait au Burundi.

La Commission onusienne d’enquête sur le Burundi s’alarme également d’une campagne électorale, marquée par un « accroissement de l’intolérance politique » et de « nombreux actes de violence » et « violations des droits de l’homme ».

La dernière ligne droite de la campagne n’a toutefois pas été marquée par autant d’incidents que ceux des deux premières semaines.

La police nationale a dressé un bilan d’au moins trois morts, 56 blessés et une centaine d’interpellations au cours des deux premières semaines de campagne, lancée officiellement le 24 avril et devant prendre fin ce 17 mai, soit trois jours avant les premiers scrutins, avec la participation de plus de cinq millions d’électeurs.

La dernière semaine avait été précédée par une mise en garde sévère du parquet général de la république en direction de ceux des acteurs politiques qui penseraient que la loi est en veilleuse pendant la campagne électorale.

La police nationale était également montée au créneau, accusant le principal candidat de l’opposition, Agathon Rwasa, d’inciter à la violence.

Face à ces accusations, l’opposant assume publiquement la «légitime défense » et renvoie la responsabilité au camp adverse.

De l’avis général des observateurs à Bujumbura, le «phénomène Rwasa », agace par des marrées humaines qui se pressent à chacun de ses meetings.

Les foules sont alléchées par les promesses de changement dans un pays à bout de souffle, suite à la crise politique, consécutives aux précédentes élections controversées et émaillées de violences de 2015, selon les mêmes observateurs.

Le candidat du pouvoir, Evariste ndayishimiye, a fait le plein, samedi, lors du dernier meeting à Bujumbura, la capitale économique du Burundi, sous le signe de la consolidation des acquis au cours de ces 15 dernières années.

Le chef de l'Etat sortant, Pierre Nkurunziza, était du rassemblement et a prié, genoux à terre, pour le succès du candidat du pouvoir.

Un arc-en-ciel s'est improvisé au-dessus du meeting, signe d'une bénédiction divine pour son candidat préféré, a-t-il soutenu devant une foule éblouie.

L’on retiendra encore de la même campagne, des accusations tous azimuts, dirigées contre la commission électorale nationale indépendante (CENI).

Le choix des membres des bureaux de vote ne respecterait pas les équilibres politique, ethnique et de genre prévus par le code électoral, accuse-t-on tous azimuts.

La CENI est également rendue coupable d’un fichier électoral qui reste aujourd’hui encore « inaccessible », ce qui présage « une machine de fraude électorale en cours », charge-t-on encore du côté de l’opposition.

Le président de la CENI, Pierre-Claver Kazihise, quant à lui, s’en lave les mains et explique que si le fichier électoral n’a pas été affiché sur la voie publique, c’est faute de place au regard de son volume imposant.

Concernant les membres des bureaux de vote qui font encore l’objet de critiques, l’autorité électorale explique que plus de trente partis politiques en compétition ne pouvaient pas être toutes satisfaites.

Par ailleurs, les membres des bureaux de vote, d’où qu’ils viennent, sont au service de la CENI et seront sévèrement punis en cas de manquements avérés, rassure-t-il encore.

Le climat pré-électoral tendu a relégué au second plan les projets de société des différents candidats en lice.

Les grands thèmes en rapport avec le chômage des jeunes, l’agriculture et élevage, les infrastructures, le développement économique, la lutte contre la corruption et le clientélisme ont été à peine audibles dans cette campagne électorale.

Quelle que soit l’issue du scrutin, le futur locataire du Palais présidentiel « Ntare Rugamba », du nom du dernier monarque conquérant du Burundi, aura besoin d’une légitimité populaire convaincante pour ramener la coopération internationale dont le Burundi a tant besoin.

Avant le gel des appuis techniques et financiers de la communauté internationale pour cause de crise politique et des droits humains, le Burundi dépendait à plus de 50% des aides extérieures pour son développement.