Burundi : La journée électorale de tous les dangers
Politique

France Inter, 20 mai 2020

Ce mercredi 20 mai, l'actualité internationale nous emmène notamment au Burundi, où le spectre d'une guerre ethnique entre hutus et tutsis pèse sur les trois scrutins du jour.

Réseaux sociaux coupés, et peur de bourrage des urnes : le Burundi votait aujourd'hui. Des élections générales – communales, législatives et présidentielle – sous très haute tension, cinq ans après les violences qui ont accompagné la réélection controversée de Pierre Nkurunziza, en dépit de la constitution.

Depuis, le spectre de la guerre ethnique entre hutus et tutsis ne cesse de planer sur le pays, après cette grave crise qui a fait au moins 1 200 morts et poussé à l'exil plus de 400 000 personnes. 

Qu'ils soient réfugiés à l'étranger, ou s'exprimant en cachette depuis le pays, tous ceux qui se sont opposés à ce dernier mandat le disent : une chape de plomb est depuis tombée sur le territoire burundais. Derrière le discours officiel de réconciliation nationale, la répression a changé de forme. Devenue invisible, elle continue avec le musellement des médias, les centaines de disparitions forcées, la terreur distillée par les milices Imbonerakure proches du pouvoir hutu.

Tout fait craindre la reprise ouverte de massacres ethniques après le traumatisme de dix ans de guerre civile, née dans le sillage du génocide au Rwanda voisin. 

Le bras de fer de Pierre Nkurunziza avec la communauté internationale s'est soldé par un isolement du pays. Privé de la plupart de ses bailleurs directs, le Burundi a plongé dans la misère, les trois quart de la population vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté. 

Le scrutin s'est déroulé en grande partie à huis clos : le gouvernement a rejeté toute mission d'observation de l'ONU ou de l'Union africaine, l'accès à WhatsApp, Facebook ou Twitter était également bloqué aujourd'hui.

Pierre Nkurunziza, qui estime que le pays est protégé par la "grâce divine" a maintenu les élections en dépit de l’épidémie de Covid-19. Au passage, le président burundais a fait expulser la semaine dernière les experts de l'OMS chargés de le conseiller. 

Si le vote d'aujourd'hui marque la fin du règne de Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, chacun voit son ombre derrière la candidature de son dauphin Evariste Ndayishimiye. Réputé cependant plus ouvert que lui, cet ancien combattant a lui aussi lutté au sein de la rébellion hutu du CNDD-FDD pendant la guerre civile burundaise – qui a fait plus de 300 000 morts entre 1993 et 2006 – contre l'armée, dominée par la minorité tutsi. Son principal rival dans ces élections, Agathon Rwasa, 56 ans, hutu lui aussi, est issu d'un autre mouvement rebelle, Palipehutu-FNL.

Sept candidats étaient en lice pour ce vote dont les résultats devraient être connus en début de semaine prochaine.