"Il pèse une forte opacité sur les élections au Burundi"
Analyses

L'Echo, 25/05/2019

Évariste Ndayishime, candidat du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, sera le nouveau président du Burundi. L'opposition conteste l'élection. Pour l'expert des questions des Grands Lacs, Emmanuel Klimis, le pouvoir fait peser "une opacité" sur ces élections.

Sans surprise, le général Évariste Ndayishimiye, 52 ans, candidat du président sortant Pierre Nkurunziza, a été proclamé vainqueur de l'élection présidentielle au Burundi. Il aurait remporté 68,72% des voix lors des élections du 20 mai dernier, selon la Commission nationale indépendante (Céni). 

L'épidémie de coronavirus n'a pas convaincu le pouvoir d'annuler le scrutin, comme ce fut le cas en Éthiopie. 

Le principal candidat de l'opposition, Agathon Rwasa, président du Conseil national pour la liberté (CNL), n'aurait recueilli que 24,19% des voix. Il a qualifié ces résultats de "fantaisistes".

Des résultats contestés

Arrestations d'assesseurs, fraudes, internet bloqué durant la journée de jeudi... les témoignages étayant les dénonciations de l'opposition sont nombreux. Agathon Rwasa pourrait se pourvoir devant la Cour constitutionnelle pour contester les élections. Mais le recours laisse peu d'espoir étant donné la fidélité des juges au pouvoir en place. Du reste, le président Nkurunziza n'a autorisé aucune organisation internationale à mener des missions d'observations du scrutin.

"Ce résultat est une rupture après 20 ans de pouvoir non partagé, ça, c'est positif. Mais il pèse une forte opacité sur ces élections. Il y a eu des attaques contre la presse, des fake news, la Céni s'est très peu exprimée", explique Emmanuel Klimis, chercheur aux Facultés Saint Louis, spécialiste des Grands Lacs. "On reste face à un parti au pouvoir qui a choisi l'opacité, une politique revendiquée de maquis, comme stratégie, un signe d'indépendance face aux Occidentaux".

Le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, était donné vainqueur des trois scrutins, présidentiel, législatif et communal. Les résultats définitifs seront connus le 4 juin.

Si la Céni confirme le résultat, Évariste Ndayishimiye, dit "Neva", entrera en fonction fin août pour sept ans. "Que va-t-il se passer? Le nouveau président va-t-il donner des gages d'apaisement en libérant par exemple les journalistes d'Iwacu, le dernier média indépendant du pays, emprisonnés depuis août?", poursuit Emmanuel Klimis.

Répression féroce

Le président Pierre Nkurunziza avait déclenché une crise au Burundi en 2015 après avoir annoncé qu'il se présenterait à un troisième mandat. Plus de 1.200 personnes étaient mortes lors d'une répression féroce et 400.000 Burundais s'étaient exilés. Pierre Nkurunziza avait décidé de ne pas se présenter à un quatrième mandat.

Difficile dans ce petit pays, l'un des plus pauvres au monde, de contester le pouvoir, tant la répression du Service national de renseignement et des jeunes milices Imbonerakure peut être féroce. 

VINCENT GEORIS