Burundi : Le nouveau gouvernement refroidit les défenseurs des droits hummains |
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FIDH, 30/06/2020 Nouveau gouvernement au Burundi : les espoirs d’ouverture politique et de lutte contre l’impunité assombris. L’annonce de la composition du nouveau gouvernement burundais vient de refroidir les espoirs d’ouverture et de libéralisation apparus avec l’élection du nouveau Président Evariste Ndayishimiye, après 15 ans de règne de l’ancien Président Pierre Nkurunziza, décédé le 8 juin 2020. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et son organisation membre burundaise, la Ligue ITEKA, s’inquiètent notamment de la nomination de personnes sous le coup de sanctions internationales pour leur rôle joué dans la sanglante répression à l’encontre de toute personne suspectée d’être opposée au régime qui sévit depuis cinq ans, et qui pourrait constituer un frein à la lutte contre l’impunité des crimes commis dans le pays depuis 2015. Trois noms parmi les nouveaux membres du gouvernement retiennent particulièrement l’attention : Alain-Guillaume Bunyoni, Premier ministre, Gervais Ndirakobuca, Ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, et Ezéchiel Nibigira, Ministre des Affaires de la Communauté Est africaine, de la Jeunesse, des Sports et de la Culture. « La composition du nouveau gouvernement burundais montre que la « ligne dure » prévaut toujours à la tête du régime. La nomination de certains ministres montre que le petit cercle qui a orchestré la dérive autoritaire et sanglante des cinq dernières années est toujours au pouvoir, ce qui n’augure rien de bon pour la société civile et les centaines de milliers de réfugiés dans les pays alentours, qui voient leurs espoirs de rentrer au pays repoussés sine die » Anschaire NIKOYAGIZE, Président de la Ligue ITEKA. Le gouvernement sera dirigé par le Général Alain-Guillaume Bunyoni, nommé le 23 juin 2020 Premier ministre par le Président. Plus haut gradé de la police burundaise, Alain-Guillaume Bunyoni a fait l’objet de sanctions ciblées des États-Unis pour son rôle présumé dans la répression qui sévit depuis 2015. Il est notamment accusé d’avoir utilisé ses résidences dans les quartiers de Gasekebuye et Kinanira à Bujumbura comme lieux de détention arbitraire et de torture. Le Général Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika, nommé, le 28 juin 2020 par décret présidentiel, Ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, est lui sous sanctions individuelles des États-Unis et de l’Union européenne pour son rôle présumé dans la planification et la coordination de la répression, en tant que Chef de cabinet de l’ancien Président Pierre Nkurunziza. Enfin, Ezéchiel Nibigira, nommé, le même jour, Ministre des Affaires de la Communauté Est africaine, de la Jeunesse, des Sports et de la Culture, était Ministre des relations extérieures sous l’ancien gouvernement et avant cela, chef des Imbonerakure. Cette milice formée de jeunes militants du parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), s’est faite connaître par le climat de terreur qu’elle a fait régner dans le pays, intimidant, attaquant et assassinant des centaines de personnes pour leur appartenance, réelle ou supposée, à l’opposition ou au mouvement contestataire. La présence de personnalités notoirement connues pour leur rôle et responsabilités présumés dans la commission des graves violations des droits humains perpétrées pendant la crise fait craindre que l’impunité pour ces crimes perdure, voire que le régime répressif, à l’œuvre depuis 2015, persiste, ce qui pourrait résulter en la commission de nouvelles violations. Enfin, l’ensemble des membres du gouvernement est issu du parti au pouvoir. L’absence de représentation de l’opposition ne semble laisser aucune place à la reprise d’un dialogue politique inclusif. Depuis 2015, l’espace civique et démocratique a été totalement écrasé au Burundi et des violations graves des droits humains ont été commises en toute impunité par des représentants du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, et de sa milice Imbonerakure. Ainsi, entre avril 2015 et juin 2020, la Ligue ITEKA a documenté les cas de 2.292 personnes tuées, dont 263 femmes, 563 personnes portées disparues, 1.027 personnes torturées, 11.152 personnes arrêtées arbitrairement et 264 victimes de violences sexuelles basées sur le genre. Selon les mêmes informations, pour le seul mois de juin 2020, 23 personnes auraient été tuées, deux enlevées , trois torturées , six victimes de violences sexuelles basées sur le genre et 58 personnes arrêtées arbitrairement. Les services de renseignements burundais (SNR), la police et la milice Imbonerakure seraient parmi les principaux auteurs de ces violations. « Il est primordial que la communauté internationale ne tourne pas la page des crimes commis au Burundi depuis 2015, et que la lutte contre l’impunité pour ces crimes soit au contraire au cœur de ses actions pour que leurs auteurs soient poursuivis et jugés et que les victimes puissent enfin obtenir justice » Paul NSAPU, Vice-président de la FIDH C’est pourquoi la FIDH et la Ligue ITEKA appellent les institutions régionales et internationales, ainsi que les partenaires internationaux du Burundi, à renforcer leur attention sur le pays en cette période charnière. Ceci implique notamment de : Maintenir les sanctions individuelles imposées par l’UE et les Etats-Unis à l’encontre des personnes considérées comme responsables de violations des droits humains ou faisant obstacle à la démocratisation du pays et se trouvant encore en position de commettre des violations des droits humains, dont Gervais Ndirakobuca et Alain-Guillaume Bunyoni ; ainsi que continuer, dans les prochains mois, à suivre avec attention la situation des droits humains dans le pays afin de déterminer s’il y a lieu de renouveler les mesures prises à l’encontre de ces personnes à leur échéance. Prolonger pour un an le mandat de la Commission d’enquête sur le Burundi mise en place par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies, afin qu’elle poursuive son travail nécessaire de documentation et d’établissement des responsabilités des violations graves des droits humains commises dans le pays depuis 2015. Exhorter publiquement les nouvelles autorités burundaises à coopérer avec les mécanismes internationaux et régionaux, notamment avec les organisations du système des Nations unies et particulièrement avec la Commission d’enquête internationale des Nations unies afin que celle-ci puisse enquêter sur le territoire burundais. Appeler le Burundi et les autres États parties à renforcer leur coopération avec la Cour Pénale Internationale (CPI), notamment en soutenant son enquête ouverte en 2017, et en appelant celle-ci à rester saisie de la situation sur le Burundi.
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