Burundi/Rwanda : un véritable gouvernement de guerre à Gitega. Contre qui ? |
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La Libre Belgique, 30 juin 2020 Le “groupe des généraux” qui dirige le Burundi depuis des années confirme son passage sur le devant de la scène. La nomination des membres du nouveau gouvernement est à cet égard sans ambiguïté. Les quatre principaux personnages du pouvoir sont, en effet, de hauts gradés issus de l’ex-guérilla hutue du CNDD-FDD, au pouvoir depuis la fin de la guerre civile et les élections de 2005. [Photo : Lt-Général Gabriel Nizigama maintenu au poste de Chef du cabinet civil du chef de l’État.] On sait que le général major Evariste Ndayishimiye a été proclamé élu à la Présidence par la Cour constitutionnelle en dépit de résultats si frauduleux que la Commission électorale a dû retirer ses premiers chiffres tant ils étaient invraisemblables. Il a nommé comme Premier ministre, le général Alain Guillaume Bunyoni, ex-directeur de la police, qui fait partie de la dizaine de personnalités burundaises contre lesquelles la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête pour soupçons de crimes contre l’humanité commis lors de la répression qui s’est abattue sur le pays depuis 2015 ; M. Bunyoni fait aussi l’objet de sanctions de Washington. Un ministre surnommé “Je-te-tue” Le chef du cabinet civil du chef de l’État est resté le lieutenant général Gabriel Nizigama, surnommé “Tibia” parce que, durant la guerre civile, il cassait volontiers les tibias de ses hommes en faute. Le Premier ministre Bunuyoni a poursuivi sur la même lancée en constituant son gouvernement. Ainsi, un “super-ministère” de l’Intérieur, de la Sécurité et du Développement communautaire a été créé et confié au lieutenant général Gervais Ndirakobuca, surnommé “Ndakugarika”, soit “Je-te-tue”. Cet ex-chef du Service national de Renseignement va donc gérer les Burundais au jour le jour et sera “numéro trois” du régime militaire. Anti-Tutsis et ex-patron des Imbonerakure Aux Affaires étrangères et à la Coopération au Développement, arrive Albert Shingiro, jusqu’ici ambassadeur du Burundi à l’Onu. Ce radical s’est fait remarquer en évoquant à New York, devant ses pairs, le “génocide entre guillements” commis contre les Tutsis en 1994 au Rwanda, pays envers lequel il s’est, à plusieurs reprises, montré extrêmement vindicatif. On note également qu’un ancien chef des Imbonerakure, la milice du CNDD-FDD qui répand la terreur dans le pays depuis 2015, est nommé ministre de… la Jeunesse, des Sports et de la Culture. Ezechiel Nibigira détenait depuis 2018 le ministère des Affaires étrangères, qu’il n’abandonne pas totalement puisqu’il est dorénavant aussi chargé du portefeuille des Relations avec l’EAC (East African Community). Le Burundi fait tourner cette organisation régionale autour de son petit doigt puisqu’elle n’est jamais parvenue à amener Gitega à la table de négociation avec son opposition comme elle se le proposait. Un véritable “gouvernement de guerre. Contre qui ?”, s’est interrogé, sur Twitter, le défenseur des droits de l’Homme en exil Pacifique Nininahazwe. Il est vraisemblable qu’il faille s’attendre à une répression plus affirmée de l’opposition, à la mesure de la peur ressentie par le CNDD-FDD devant les résultats des élections générales du 20 mai, vraisemblablement favorables au CNL d’Agathon Rwasa. On verra sans doute également un accroissement des incidents de frontière avec le Rwanda et de l’appui donné par le Burundi à des groupes armés rwandais proches des génocidaires de 1994, qui attaquent leur pays d’origine et “rendent des services” à l’armée burundaise. Par Marie-France Cros.
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