Burundi : L’élection de tous les dangers
Politique

@rib News, 20/06/2010 – Source Le Pays

Au Burundi, le pouvoir et l’opposition se regardent en chiens de faïence depuis les élections communales du 24 mai 2010. La transparence et la régularité du scrutin remises en cause par l’opposition, sont la cause de la détérioration des rapports entre les politiciens burundais. Et pour montrer qu’ils sont au sérieux dans leur demande de reprise des élections entachées d’irrégularités à leurs yeux, sept candidats de l’opposition se sont retirés de la course à la présidentielle.

Cette situation a ouvert un boulevard au candidat du parti au pouvoir, Pierre NKurunziza, qui brigue sa propre succession à l’élection présidentielle du 28 juin prochain. La sourde oreille faite par le pouvoir face au souhait de l’opposition, de reprendre les communales et surtout de faire campagne pour le boycott, a eu pour conséquence la montée de la tension comme, d’ailleurs, il fallait s’y attendre.

C’est ainsi que le 16 juin dernier, des affrontements ont opposé la police et des militants des Forces nouvelles de libération (FNL) qui ont déferlé des collines surplombant la capitale Bujumbura pour protéger leur leader, l’ex-chef rebelle Agathon Rwasa, qui, selon la rumeur, pourrait être arrêté. S’il n’y a pas eu de morts comme on pouvait le redouter au regard des allégations de tirs à balles réelles ou d’usage de lance-roquettes par la police, il faut tout de même craindre pour l’avenir. En effet, rien ne garantit que ce sera le dernier affrontement du genre.

Au fur et à mesure que la date de l’élection pointe le bout du nez, la tension ne manquera pas aussi de s’exacerber, sans oublier l’insécurité dont une espèce d’avant-goût est servie par des grenades qui explosent çà et là de temps à autre. Et le tout se déroule pour le moment dans une indifférence de la communauté internationale qui, d’ailleurs, a manqué l’occasion de jouer à l’apaisement. Comme aurait pu le faire le secrétaire général de l’ONU Ban Ki–Moon.

En visite récemment dans ce pays, il a pratiquement pris fait et cause pour le pouvoir en affirmant que les élections communales se sont déroulées dans des conditions acceptables. Il n’en fallait pas plus pour irriter l’opposition et l’amener, à retirer ses candidats de l’élection présidentielle. Il aurait fallu beaucoup plus de tact face à un pays qui est sorti d’une guerre civile dont il ne s’est pas encore complètement remis.

Aujourd’hui, on craint qu’il y bascule à nouveau au regard des positions tranchées de l’opposition qui pose comme préalable la reprise des communales et du pouvoir qui ne veut pas en entendre parler. Et le président sortant et candidat à sa propre succession se préoccupe beaucoup plus de la tenue de l’élection qu’il va remporter, faute de concurrents.

Or, cette élection est justement celle de tous les dangers en ce sens qu’elle pourrait remettre le feu aux poudres. Mais le régime en place en a-t-il vraiment conscience ? Il ne doit pas se laisser obnubiler par la réélection du candidat sortant au point de ne pas voir les étincelles qui naissent et qui peuvent allumer un grand feu que le pays tout seul ne sera pas en mesure d’éteindre. Ancien chef rebelle lui-même, Pierre Nkurunziza est bien placé pour connaître les affres de la guerre, ses conséquences désastreuses pour un pays.

Il est bien placé aussi pour savoir qu’un président même légitimement élu ne peut gouverner dans un contexte d’instabilité. C’est dire qu’il peut bien éviter à son pays des souffrances inutiles en nouant le dialogue avec l’opposition. Il faut qu’il commence déjà par l’écouter, discuter avec elle pour que la présidentielle ne mette pas en péril la paix sociale.

Séni DABO