Burundi : L’armée recourt aux Imbonerakure
Sécurité

La Libre Belgique, 1 juillet 2021

Alors que la délégation de l’Union européenne a informé les autorités du régime semi-militaire du Burundi de son intention d’œuvrer à la levée de la suspension de son aide directe, on a appris la libération du militant des droits de l’homme Germain Rukuki.

Condamné à 32 ans de prison en 2018 pour avoir participé en 2015 à des manifestations contre la candidature à un troisième mandat – expressément interdite par l’Accord de paix d’Arusha – du président Pierre Nkurunziza, il a vu cette peine ramenée à un an de prison par une cour d’appel, le 22 juin, après quatre années de détention.

À côté de cette bonne nouvelle, cependant, il en est de plus inquiétantes. Ainsi, le général de brigade V. Bibonimana, du Commandement de la Force de la Marine, a écrit ce 30 juin (voir notre document) à deux commandements en vue du renforcement de la sécurité afin de “mettre hors d’état de nuire (des) bandes armées” – certaines d’opposition, d’autres non identifiées.

Pour ce faire, le général donne une série de recommandations, parmi lesquelles celle d’”associer les anciens membres des corps de défense et de sécurité et mouvements politiques armés”. Au Burundi, il n’y a qu’un “mouvement politique armé”, c’est la milice du parti au pouvoir (CNDD-FDD), les Imbonerakure, principaux auteurs, avec les forces de l’ordre, des très nombreuses violations des droits de l’homme qui sont commises quotidiennement dans le pays.

Si le recours aux miliciens par l’armée est dénoncé depuis longtemps par les défenseurs des droits de l’homme, le voici énoncé en toutes lettres dans un document officiel.

Cet ordre est émis après trois attaques sanglantes, particulièrement cruelles et non revendiquées, contre des civils. Elles ont eu lieu dans les provinces de Bujumbura, Mwaro et Muramviya. Cette dernière a eu lieu le week-end dernier à Rutegama, commune voisine de Giheta, celle du Président de la République, le général Evariste Ndayishimiye. Rutegama est, en outre, la commune du chef du cabinet civil du Président, le général Gabriel Nizigama (plus connu sous son surnom de “Tibia” parce qu’il aime casser cet os chez ceux qui sont en son pouvoir).

“Ces assaillants sont des professionnels, pas des broussards sortis de la forêt. Comment comprendre ces attaques, visant de petites gens, sinon comme un signal visant à montrer qu’ils peuvent frapper partout ? S’ils ne sont pas de connivence avec la Sécurité, ils connaissent les failles de celle-ci”, commente un observateur à Bujumbura.

Par Marie-France Cros