Rusesabagina : La Belgique dénonce un procès qui n'a été "ni juste, ni équitable"
Afrique

@rib News, 20/09/2021 – Source AFP

L'opposant rwandais Paul Rusesabagina - qui a aussi la nationalité belge - condamné lundi à 25 ans de prison après avoir été reconnu coupable de "terrorisme", "n'a pas bénéficié d'un procès juste et équitable", a dénoncé la ministre belge des Affaires étrangères, Sophie Wilmès.

"Malgré les appels répétés de la Belgique à ce sujet, force est de constater que M. Rusesabagina n'a pas bénéficié d'un procès juste et équitable; particulièrement en ce qui concerne les droits de la défense", a indiqué dans un communiqué la ministre, estimant que "la présomption d'innocence n'a pas été respectée", et que "ces éléments de facto remettent en question le procès et le jugement".

Mme Wilmès doit s'entretenir avec son homologue rwandais, Vincent Biruta, à New York cette semaine, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, est-il précisé. "En attendant, la Belgique reste en contact étroit avec M. Rusesabagina", ajoute le communiqué.

M. Rusesabagina, 67 ans, a été rendu célèbre par le film "Hotel Rwanda" sorti en 2004, qui a raconté comment ce Hutu modéré a sauvé plus de 1.000 personnes réfugiées dans son Hôtel des Mille Collines à Kigali, durant le génocide de 1994 qui a fait 800.000 morts, principalement des Tutsi.

L'ancien hôtelier, devenu un féroce critique du président Paul Kagame, a été reconnu coupable par le tribunal de Kigali d'avoir formé et financé le Front de libération nationale (FLN), groupe rebelle accusé d'avoir mené des attaques meurtrières au Rwanda en 2018 et 2019.

La prison à vie avait été requise contre lui mais le tribunal a décidé de le condamner à 25 ans de prison.

Le verdict de condamnation a été "décidé" par le président Paul Kagame, a dénoncé de son côté une des filles de l'accusé, Carine Kanimba, interrogée par l'AFP en Belgique, l'accusant d'avoir "kidnappé" son père.

"Je ne suis pas surprise du tout, on s'attendait exactement à ça. Kagame a kidnappé mon père, puis est allé à la télévision dire qu'il avait du sang sur les mains. Les juges ont décidé ce que le dictateur voulait qu'ils décident", a affirmé Carine Kanimba peu après l'annonce de la condamnation.

"C'est un procès de juges aux ordres", a renchéri à ses côtés Me Vincent Lurquin, avocat belge de M. Rusesabagina en réitérant son appel à un transfèrement de son client en Belgique, pays dont il a aussi la nationalité.

Depuis le début de la procédure, la famille et les soutiens de l'ancien hôtelier dont l'histoire a inspiré le film "Hotel Rwanda" dénoncent "un procès politique" mené à l'issue d'une arrestation "illégale", fin août 2020 à Kigali.

M. Rusesabagina, qui vivait depuis 1996 en exil aux États-Unis et en Belgique, a été arrêté dans des circonstances troubles par la police rwandaise à sa descente d'un avion qu'il pensait à destination du Burundi.

Incarcéré depuis plus d'un an, l'ancien directeur de l'Hôtel des Mille Collines à Kigali était jugé pour son soutien au Front de libération nationale (FLN), groupe rebelle accusé d'avoir mené des attaques meurtrières au Rwanda en 2018 et 2019.

"Le tribunal conclut que le rôle de Rusesabagina dans la création du FLN, la fourniture de fonds aux rebelles et l'achat de moyens de communication pour les rebelles constituent tous le crime de commission de terrorisme", a déclaré Béatrice Mukamurenzi, une des trois juges du tribunal de Kigali.

"On a l'impression que c'est un jugement qui aurait pu être écrit la veille du début du procès", a commenté Me Lurquin.

Il a jugé "probable" que M. Rusesabagina fasse appel de sa condamnation, à condition d'obtenir des garanties sur la possibilité de se défendre.

"Il faut reprendre le principe du débat judiciaire", a ajouté l'avocat, qui avait été expulsé le 21 août du Rwanda après avoir été empêché de rendre visite à son client en prison.