Burundi : suspension des fonctionnaires vivant en concubinage
Politique

La Libre Afrique4 octobre 2021

La Libre Afrique.be a eu accès à une lettre du ministre burundais de l’Intérieur, Gervais Ndirakobuca, adressée à tous les gouverneurs de province et au maire de Bujumbura, leur enjoignant de suspendre de leurs fonctions les « responsables administratifs » vivant en « concubinage et/ou unions illégales ».

Le document, portant la référence 530/9832/CAB/2021 et daté de septembre (le jour exact est peu lisible: le 20, 26 ou 28) s’intéressent à « certains administratifs qui affichent un comportement irresponsable susceptible même de désorienter la population ». Et le ministre de préciser qu'« il est signalé des responsables administratifs qui entretiennent des relations de concubinage et/ou d’union illégales alors que le gouvernement avait pris des mesures pour décourager ce comportement dans tout le pays ».

Obligation de se marier

Le 1er mai 2017, en effet, feu le président Pierre Nkurunziza avait souhaité qu’au 31 décembre de cette année-là, tous les couples soient reconnus par la loi. Le Président décédé en 2020 affichait fréquemment ses croyances religieuses, assurant notamment que son pays était « protégé par Dieu » du Covid-19 en raison de sa grande piété. Sa femme, « évêque » d’une Eglise évangélique, et lui-même, menaient régulièrement des « croisades » contre l’adultère.

En mai 2017, le ministère de l’Intérieur de l’époque avait traduit le désir du chef de l’Etat en une obligation pour les couples concubins de se marier avant la fin de l’année et l’avait présentée comme une tentative de mettre « de l’ordre » dans le pays. Et d’assurer que la mesure abriterait les lycéennes de grossesses précoces et protègerait les enfants de couples illégitimes et les « deuxièmes, troisièmes femmes qui ne sont pas reconnues par la loi ».

Dans la pratique, les personnes vivant en union libre étaient passibles d’amendes (de 50.000 FBu, soit 22 euros à l’époque, une fortune pour les paysans burundais) si elles ne se mariaient pas avant le 31 décembre 2017; les femmes étaient privées de la gratuité de l’accouchement; et les enfants nés de telles unions ne bénéficieraient pas de la gratuité de l’école primaire. De nombreux paysans pauvres, au Burundi, ne peuvent payer la dot réclamée par la famille de leur aimée et évitent donc la cérémonie du mariage.

Servir d’exemple

Aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur, Gervais Ndirakobuca – surnommé « Ndakugarica », soit « Je te tue », depuis l’époque où il était chef du Service national de renseignement et est aujourd’hui « numéro 3 » du régime militaire au pouvoir au Burundi – souligne que « quelqu’un appelé à diriger les autres doit incarner certaines valeurs et servir d’exemple pour inspirer la confiance de ses administrés ».

Sa lettre demande donc à tous les gouverneurs de province et au maire de Bujumbura, capitale économique du pays et sa plus grosse ville, « de relever tous les cas existant dans (leur) circonscription administrative et d’enclencher les procédures de les suspendre (sic) dans (sic) leurs fonctions dès réception de la présente ».

Par Marie-France Cros.