Scrutin présidentiel au Burundi : la bataille des chiffres a commencé
Politique

@rib News, 28/06/2010 – Source AFP

Les Burundais ont voté lundi pour reconduire à son poste le président sortant Pierre Nkurunziza, seul candidat en lice, avec la crainte d'un retour à la violence politique après le retrait de tous les candidats d'opposition et une vague d'attaques à la grenade.

La participation aurait "dépassé largement les 50%", selon un membre de la commission électorale nationale, Prosper Ntahorwamiye, tandis que l'opposition avançait un chiffre "d'à peine 30%".

"Les partis membres de l'Alliance démocratique pour le changement (opposition) félicitent le peuple burundais de sa détermination à dire non à la mascarade électorale illégale et inconstitutionnelle de ce lundi", a déclaré le porte-parole de cette coalition, Léonard Nyangoma.

Les six candidats d'opposition se sont retirés à la suite des élections communales du 24 mai proclamées gagnées par le parti au pouvoir CNDD-FDD, mais marquées selon eux par de graves irrégularités.

Dans les bureaux de vote entourés par une forte présence policière et militaire, les électeurs étaient bien moins nombreux que lors des communales d'il y a un mois, marquées par une participation record de près de 92 pc.

Des observateurs des opérations de vote ont attribué cette désaffection à l'absence de pluralité du scrutin et à la crainte d'attentats.

Le bulletin au nom de Pierre Nkurunziza, 45 ans, au pouvoir depuis cinq ans, a donc été lundi le seul proposé aux 3,5 millions d'inscrits de ce petit Etat enclavé d'Afrique centrale, le troisième pays le plus pauvre au monde selon la Banque Mondiale.

Le véritable enjeu du scrutin est désormais de savoir s'il ne va pas relancer les violences dans ce pays de 8,5 millions d'habitants encore meurtri par une guerre civile de 13 ans (1993-2006) qui a fait 300.000 morts.

Une série d'attaques à la grenade, perpétrées depuis les communales contestées, a déjà fait au moins 8 morts et 60 blessés. Le pouvoir a accusé l'opposition d'être responsable de ces attaques, non revendiquées. Il a arrêté au total 26 militants d'opposition depuis samedi soir, selon le président de l'Association pour la protection des personnes détenues et des droits humains, Pierre Claver Mbonimpa.

"Le pouvoir veut intimider l'opposition car on semble viser dans ces arrestations les responsables locaux des partis des Forces nationales de libération (FNL) et du Mouvement pour la solidarité et le développement (MSD)", a dénoncé M. Mbonimpa.

Cette élection présidentielle -- dont les résultats ne devraient finalement être annoncés que mercredi -- était censée constituer le moment test d'une série de scrutins prévus tout au long de l'été au Burundi, dans le but d'ancrer la paix encore très fragile dans cette ancienne colonie belge à large majorité hutu -- 85 pc, contre 14 pc de Tutsi --, marquée par les massacres interethniques depuis l'indépendance en 1962.

Au contraire, le boycott de l'opposition et les attaques à la grenade ont ranimé la crainte d'une résurgence des violences, non plus entre Hutu et Tutsi, mais essentiellement entre les forces politiques issues des anciennes guerillas hutu et aujourd'hui en compétition pour le pouvoir.

Le chef des FNL, Agathon Rwasa, rentré d'exil en 2008, s'est évanoui dans la nature depuis la semaine dernière après avoir renoncé à se présenter à la présidentielle, et il pourrait avoir trouvé refuge en RD Congo.

La communauté internationale a exhorté l'opposition à réintégrer le jeu électoral, se déclarant pour sa part globalement satisfaite de l'équité du scrutin de mai.