Burundi : Irriguer pour contrer la sécheresse et chasser le spectre de la famine
Société

@rib News23/05/2022 - Source Agence Anadolu

- Au Burundi, la désertification menace la province de Kirundo, où le déficit hydrique fut souvent synonyme de famine. Aujourd’hui, l’irrigation devient l’arme principale pour damer le pion à... Dame Nature. Reportage.

Les populations de Kirundo ne sont plus contraintes à fuir leur région. Après des années d’insuffisance alimentaire, les collines sont de nouveau verdoyantes. Des champs de cultures vivrières comme les pommes de terre, haricots, oignons, et colocases, … s'étendent à perte de vue. La province frontalière avec le Rwanda est en passe de redevenir le "grenier du Burundi". C'est le fruit de l’introduction de différentes techniques d’irrigation.

Sur le terrain, de nouveaux modèles agricoles sont mis sur pied, histoire de faire face aux changements climatiques. Près du lac Rweru, dans la commune Busoni, province Kirundo, des femmes, des hommes, tous cultivateurs, s’activent. Ils ne veulent plus revivre le cauchemar de 2008 où la famine a fait des victimes et poussé des milliers des personnes à fuir vers le Rwanda, la Tanzanie, ou d’autres provinces.

- « Mieux vaut tard que jamais »

« Ici chez nous, l’insuffisance pluviométrique est un fait. En 2008, nous avons connu une situation catastrophique. La famine. Il y a eu même des morts, des déplacés et des réfugiés. C’était vraiment très grave », raconte André Kamaro, un agriculteur de la localité.

Interrogé par l'Agence Anadolu, il signale qu’actuellement, l'anticipation est de mise. « Mieux vaut tard que jamais. Je pense qu’aujourd’hui, nous avons trouvé des solutions pour cette question de déficit hydrique », rassure-t-il, notant que la technique d’irrigation collinaire est très en vogue. Il signale que cela demande seulement d’avoir une motopompe et des tuyaux.

« En fait, ce moteur est installé au bord du lac. Et à l’aide des tuyaux, l’eau est acheminée jusqu’à plusieurs kilomètres pour irriguer », explique-t-il, affirmant qu’avec cette technique, la production agricole a presque triplé. Avec l’irrigation, il parvient à avoir plus de 10 tonnes d’oignons, de pommes de terre alors qu’avant, sa production oscillait autour de trois tonnes seulement pour les pommes de terre. Ce qui lui permet d’écouler vers d’autres coins du pays et faire des économies.

Joseph Ndikumana, un autre agriculteur de la région, ne cache pas aussi sa satisfaction : « Avant, on pouvait avoir une seule production par an, mais, aujourd’hui, on parvient même à cultiver des oignons et des choux pendant la saison sèche. Et la récolte se fait au moins deux fois par an ».

Il se rappelle de la situation de 2008 comme si c’était hier : « A cette époque, c’était vraiment un vrai calvaire. Nous avons passé presqu’une année sans aucune goutte d’eau. Et la famine a fait des ravages. Certaines familles parvenaient à manger, à peine, une seule fois en deux jours. Beaucoup de cas de kwashiorkors se sont manifestés. Il y a eu des morts aussi ».

D’après lui, n’eussent-été des aides alimentaires en provenance d’autres provinces du pays, des humanitaires, il y aurait beaucoup plus de morts. Actuellement, il affirme, fièrement, qu’avec l’irrigation, la famine c'est désormais de l'histoire ancienne. « Impossible de revivre cette situation. Nous avons déjà trouvé la solution », se réjouit-il, notant qu’aujourd’hui, il peut avoir des surplus pour le marché.

- Une technique qui inspire d’autres

L’irrigation gravitaire gagne aussi de terrain. Et là, il s’agit d’installer de grands étangs pour stocker l'eau de pluie : « Toute cette eau est utilisée durant la saison sèche pour irriguer les champs agricoles. On valorise l’eau des pluies. », raconte Marie Irakoze, une agricultrice de la commune Busoni.

Les deux techniques sont très appréciées par les autorités provinciales. « Avant, on ne savait pas comment utiliser cette eau par la technique d’irrigation, par la technique de pompage. L’eau restait là-bas et la population fuyait l’insuffisance alimentaire et l’insécurité alimentaire, alors que les gens disposaient tout près d’eux de l’eau qui pourrait les aider à faire face à tous ces problèmes », indique Albert Hatungimana, gouverneur de Kirundo.

Interrogé par Anadolu, il se réjouit que sa population, jadis souvent victime de la famine suite à la sécheresse, s’approprie de plus en plus ces techniques innovantes d’irrigation.

Insistant sur l’irrigation gravitaire, le responsable indique qu’on utilise soit les eaux pluviales soit celles des lacs ou des rivières. Ceci nécessite la construction de réservoirs en haut des montagnes, explique-t-il, précisant qu’un réservoir de 600m³ , par exemple, est utilisé pour irriguer un espace d’environ 570 hectares par gravité.

« Ceci permet de récolter plusieurs fois par an », souligne-t-il, notant que ces pratiques sont en cours d’extension dans les trois communes de la province Kirundo (Busoni, Bugabira et Kirundo) qui enregistrent souvent un déficit hydrique.

- Projets régionaux

Du côté du gouvernement burundais, ce combat contre la désertification et la sécheresse est encouragé et soutenu par des projets régionaux. Albert Hatungimana évoque le cas du projet Bugesera, qui, via son programme "eau, changement climatique, développement : vers la sécurité en eau et la résilience climatique en Afrique de l'Est", a aidé dans l’aménagement des marais rizicoles.

A titre illustratif, il donne l’exemple du marais de la Nyavyamo, où ledit projet a doté les exploitants d’un barrage de retenue d’eau qui aide à irriguer les champs rizicoles. « C’est le cas aussi du projet Livemp II (Project Handling and Storage environment of Lake Victoria) qui, en 2014, a aidé dans la protection de la zone tampon du lac Rweru, aboutissant à l’augmentation de la production halieutique ».

Pour réussir, on transforme aussi des défis en opportunités. « Ici, nous avons un problème d’un fort ensoleillement. Mais, nous sommes en train de transformer cela en opportunités », souligne le gouverneur de Kirundo.

« L’énergie solaire est utilisée pour faire le pompage de l’eau du lac Cohoha. Le soleil est cette fois-ci une source d’énergie pour irriguer nos champs et augmenter la production », et ce, avec l’appui du Programme des Nations-unies pour le développement (PNUD), note-t-il.