Au Burundi, les inondations continuent d'affecter les résidents périurbains |
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Global Voices, 04/05/2023 Faut-il délocaliser les populations pour résoudre le problème? Dans certains quartiers de la périphérie de Bujumbura, capitale du Burundi, les inondations se répètent régulièrement sans que le gouvernement ne trouve de solution durable. Les habitants du village de Gatumba, situé en zone périurbaine de Bujumbura, sont sous le choc de graves inondations depuis le 4 avril 2023. Ce n'est malheureusement pas la première fois qu'ils doivent faire face à un tel désastre : en effet, les menaces d'inondation de Gatumba ont commencé en 2016. Depuis lors, le village a connu trois inondations en quatre ans. avec pour conséquence directe des déplacés. Ces crises à répétition créent une situation de déplacement forcé pour les populations locales. Après avoir vécu plus d'un an sur des sites de déplacés, elles font de nouveau face au même problème et tirent la sonnette d’alarme auprès du gouvernement et des organisations internationales pour intervenir en leur faveur dans les plus brefs délais. Interviewée par Deutsche Welle, Justine Manariyo, une des victimes explique: « Certains vivent le long des routes, nous venons récemment de quitter les sites de rassemblement. On avait déjà été chassés par des inondations, et voilà que nous nous sommes encore retrouvés entourés d’eau, on ne sait pas où amener nos enfants, on ne sait pas non plus comment nous approvisionner en vivres. » Des milliers de familles des quartiers inondés de Kinyinya de cette même zone Gatumba ont été déplacées depuis le 4 avril 2023, comme l'explique cette vidéo de Voa Afrique: Les habitants des quartiers inondés sont obligés de sauver tout ce qui leur reste et de fuir vers des endroits un peu plus sécurisés pour trouver refuge, comme le long de la route nationale n°4 qui mène vers la République Démocratique du Congo. D’autres se rassemblent dans des sites de transit à la périphérie de la zone inondée, en attendant une nouvelle installation dans un site à déterminer par les autorités. Pour d'autres, les sites de transit restent sous la menace d'inondations. Un problème récurrent aux causes multiples et lourd de conséquences Une grande partie des quartiers inondés se trouvent près du Parc National de la rivière Rusizi. Les facteurs contribuant à ces inondations sont multiples. Sur le banc des accusés, les rives de la rivière Rusizi qui ne sont pas protégées pour ainsi mettre à l'abri les habitations de cette localité ; mais aussi le changement climatique qui modifie les saisons et provoque la tombée des pluies à tout moment; et enfin le manque d’informations sur les zones inondables et inadaptées à l'habitation humaine. La ville de Bujumbura et ses périphéries font face à une prolifération des constructions anarchiques dont la plupart dans des quartiers non viabilisés à l'instar de Gatumba. Selon le site Burundi-Eco, c'est une situation qui inquiète l’Office Burundais de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction (OBUHA). Ces inondations ne sont pas sans conséquences car elles risquent d'avoir des effets néfastes pour la vie des citoyens. Interrogé par Global Voices, Benjamin Nyambere, père de six enfants et médiateur collinaire (gouverneur d'un territoire composé d'au moins plus de 200 familles au Burundi) du quartier Gatumba, se lamente : « Toutes les maisons ont été démolies. Nous risquons d’attraper des maladies de mains salés (comme le choléra) ou maladies infectieuses car elles ont démoli les latrines, et les ressources en eau potable n’existent plus, pour boire, cuire les aliments, les gens utilisent les eaux sales. Nous avons attendu que ces rives de la rivière Rusizi soient construites, mais en vain, pour le moment la population se trouve entre le marteau et l’enclume. » Même son de cloche chez Anitha Mugisha, veuve, mère de 4 enfants et âgée de 32 ans, rencontré dans cette localité essayant de sauver ses bien mais sans succès. Au micro de Global Voices, elle dit : « Nos biens ont été emporté par ces pluies. Nous n’avons pas de quoi manger ni où dormir. Les matériels de cuisine, ceux de couchages, les cahiers des enfants et d’autres nécessités ont été emportés par l'eau. Les enfants ont dormi à la belle étoile et de surcroît, nos enfants ne vont plus à l’école. Nous demandons aux dirigeants et aux organisations de venir en aide, sinon les conséquences restent à la porte de nos yeux. » Hormis la situation sociale chaotique, le parc national de la Rusizi qui rencontre déjà des difficultés à attirer des visiteurs malgré ses atouts afin d'apporter un appui économique à Gatumba est aussi impacté. L'activité touristique est suspendue car l'inondation a bloqué l’entrée au parc. Selon les gardes du parc interviewés : « La route qui mène au parc national de la Rusizi reste impraticable. Ce qui fait que la fréquence des touristes diminue ces jours. » Une solution qui ne répond pas à toutes les attentes L’Organisation internationale des migrants (OIM) rassure le gouvernement burundais en affirmant que les victimes touchées seront assistées. Anicet Nibaruta, Directeur général de la protection civile et président de la plateforme nationale pour la gestion des catastrophes, explique : « Nous avons envisagé des stratégies de secours en collaboration avec l'OIM. Plus de 350 ménages seront assistés. Chacun aura une somme de 525000 Francs Bu (252 dollars américains) pour payer le loyer de trois mois en attendant la saison sèche pour que les murs et les digues soient construits. » Benjamin Nyambere médiateur collinaire du secteur Mushasha I du village de Gatumba salue l'initiative mais reste insatisfait : « Nous remercions l’OIM et le gouvernement pour ce geste de soutien qu’il nous montre. Mais une somme de 525000 Fbu (252 dollars américains) ne suffit pas car il sera sanctionné par un loyer de 150 000 Fbu (71 dollars américains). Nous avons besoin de beaucoup de choses. Nous n’avons pas de quoi manger. J'espère qu'à part cette somme de loyer, le gouvernement nous donnera de ration, même actuellement nous continuons à peiner de famine. » Selon Nibaruta, le reste de la population de Mushasha I et II sera déplacé vers d’autres endroits. Mais pour la protection des rives du fleuve, on prévoit la construction de deux murs de deux kilomètres chacun ayant 6 mètres de largeur et de 2 mètres de long. Ces travaux s’effectueront au cours de la prochaine saison sèche pour une somme de 324 millions de dollars , comme l'explique cette vidéo en Kirundi. Considérant la répétition de ces inondations, la délocalisation définitive de ces habitants est peut-être la meilleure des solutions que peuvent prendre les autorités burundaises. C'est justement ce que préconise Mamert Sabushimike, membre de l'Association des Amis de la Nature au Burundi dans cette vidéo : Cliquez-ici |