Au Burundi, même les policiers sont en panne d’essence
Economie

La Libre Afrique, 24 juin 2023

Au Burundi, même les policiers sont en panne d’essence : "Seuls les très, très riches peuvent se fournir au marché noir"

Des perquisitions sont menées dans des ONG pour mettre la main sur des stocks d’essence.

Infernal.” “Il faut parfois faire la file pendant trois jours pour recevoir les 20 litres d’essence autorisés”, expliquent des chauffeurs de Bujumbura “au bord de la crise de nerfs”, selon l’expression de l’un d’eux.

Depuis des mois, les mêmes crises d’approvisionnement en essence se succèdent dans le Burundi du président Évariste Ndayishimiye. Tout a commencé par la tentative du pouvoir de mettre la main sur le juteux business de l’importation d’or noir depuis le port de Dar es-Salaam en Tanzanie.

Mais malgré les moyens de l’État, le pouvoir n’est jamais parvenu à s’imposer sur ce marché qui était jusque-là entre les mains d’un homme d’affaires indo-pakistanais jugé “trop proche” de l’ancien homme fort du pays.

Du coup, le Burundi, qui manque cruellement de devises, manque aussi de pétrole. “C’est toute la vie économique du pays qui en paie les pots cassés. Les taxis sont à l’arrêt, les bus ne circulent plus, les ouvriers doivent donc marcher des heures pour pouvoir se rendre au travail, quand ils peuvent le faire. Cette paralysie a évidemment un impact sur les caisses de l’État, plus maigres de jour en jour”, constate un bon connaisseur du Burundi, qui insiste sur le manque de perspectives dans ce pays qui vit largement d’une aide internationale qui, quand elle arrive, est destinée à des projets précis… “eux aussi en panne à cause de cette paralysie actuelle”.

La chasse à l’or noir

Toutes les couches de la population sont impactées. “Seuls les très, très riches peuvent se fournir au marché noir, où le litre d’essence se vend à plus de 2 dollars. Même les forces de l’ordre sont désormais touchées par cette crise”, explique un diplomate, tandis qu’un membre d’une ONG explique que les bureaux de sa structure “ont été visités par les forces de l’ordre. Elles ont présenté un mandat de perquisition bidon quelques heures seulement après que nous avons reçu une petite livraison d’essence. Elles ont tout emporté. Et le scénario s’est produit à plusieurs endroits à Bujumbura”.

La chasse au pétrole est devenue une des priorités des autorités”, explique un autre témoin.

Hubert Leclercq

Journaliste de la cellule "International" en charge des matières africaines