Burundi : le gouverneur de la Banque centrale arrêté et limogé
Economie

RFI09/10/2023

Le gouverneur de la Banque centrale, nommé il y a à peine un an, a été limogée dimanche 8 octobre par le président Evariste Ndayishimiye, sans aucune explication. Des sources à Bujumbura assurent que Dieudonné Murengerantwari, qui est accusé de malversations économiques, a été démis de ses fonctions après avoir été interpellé samedi par le SNR, le Service national de renseignement qui dépend directement du président.

Il y a encore peu, Dieudonné Murengerantwari, jeune cadre de 39 ans nommé au poste de gouverneur de la Banque centrale du Burundi il y a à peine une année, était présenté par les journaux pro-pouvoir comme un modèle de gestion.

Beaucoup d'internautes ne cachaient pas leur surprise samedi, lorsque les premières rumeurs sur son interpellation par le Service national de renseignements ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. Il a été ensuite conduit dans les bureaux du très redouté SNR situés au centre-ville de Bujumbura où il était encore sous interrogatoire ce lundi après-midi.

Officiellement, c'est le silence-radio qui prévaut, comme toujours dans de tels cas. Seul signe tangible de cette affaire, un décret présidentiel du chef de l'État Evariste Ndayishimiye dimanche qui nomme son successeur, sans aucune explication.

Les autorités à l'ex-gouverneur reprochent notamment une mauvaise gestion du peu de devises dont dispose le pays. « Une partie de ces devises a été subtilisée ou attribuée à des hommes d'affaires en toute illégalité », précise une de nos sources.

Selon un communiqué du FMI qui vient d'effectuer une mission à Bujumbura, les réserves en devises du pays sont passés de l'équivalent de 1,3 mois d'importation en mars à deux semaines d'importation à la mi-septembre.

Conséquence, le Burundi, aujourd'hui le pays le plus pauvre du monde, fait face régulièrement à des pénuries de toutes sortes, carburant, ciment, sucre ou encore médicaments.

La société civile appelle à plus de transparence

Suite à cette arrestation et ce limogeage, une organisation de la société civile qui lutte pour la bonne gouvernance appelle le pouvoir à faire la lumière et informer le public sur ce cas. Depuis l'accession au pouvoir de Evariste Ndayishimiye en 2020, la cour et la brigade anti-corruption ont été suspendus, et lorsque ce sont des personnalités de premier plan qui sont incriminées, le modus operandi est toujours le même. Et ces enquêtes sont menées dans la plus grande opacité.

C'est toujours le très redouté Service national de renseignements qui prend les affaires en main, et le pouvoir ne communique jamais sur ces cas. L'homme d'affaires ou le haut responsable accusé de corruption et autres malversations économiques est alors arrêté, il est interrogé secrètement, parfois obligé de rendre l'argent qu'il est supposé avoir volé. Certains sont relâchés et retrouvent leurs postes, d'autres sont limogés, mais très peu atterrissent en prison.

Le président de Parcem, une organisation qui lutte pour la bonne gouvernance au Burundi, appelle à plus de transparence. « On dirait que les services de renseignement sont en train de remplacer, supplanter toutes les institutions, y compris la justice, dans la gestion des affaires économiques », estime Faustin Ndikumana.

Autre problème, selon Faustin Ndikumana, le manque d'indépendance de la BRB, la Banque centrale du Burundi, devenue depuis deux ans un simple « service spécialisé de la présidence ». Il s'agit d'un dysfonctionnement à l'origine de plusieurs interférences dans la gestion de la Banque centrale, qu'il faut corriger. « Il faut une gestion professionnelle de la Banque centrale. Il ne faudrait plus que la Banque centrale dépende directement de la présidence. La Banque centrale doit avoir une sorte de tutelle du ministère des Finances », analyse le président de Parcem.

La mauvaise gestion de la Banque centrale ne date pas d'aujourd'hui, rappelle Faustin Ndikumana. « Il faut un audit externe et indépendant de cette institution », demande-t-il aujourd'hui.