Au Burundi, des inquiétudes au sujet des discours de haine
Droits de l'Homme

Deutsche Welle27/10/2023

Si depuis l'arrivée au pouvoir du président Evariste Ndayishimiye, on observe une certaine ouverture au Burundi, la situation des droits humains reste tout de même inquiétante.

Au Burundi, depuis l'arrivée au pouvoir en juin 2020 du président Evariste Ndayishimiye, la communauté internationale a salué une certaine ouverture dans le pays. Mais cette ouverture est toute relative et la situation des droits humains reste inquiétante.

Le Conseil des droits de l'Homme de l'Onu et l'Union européenne ont donc décidé de ne pas modifier leur attitude prudente vis-à-vis du pays, avec le maintien de certaines mesures restrictives. Car sur place, la pression perdure à l'encontre des opposants alors que des discours inquiétant sont toujours prononcés par certaines personnalités.

Des discours de haine signalés

Peur, haine, violence… ce sont ces sentiments que certains discours politiques ont suscité par le passé au Burundi. Très souvent prononcés à l'approche de rendez-vous électoraux, ils ont souvent conduit à des crimes.

Alors que des législatives sont prévues en 2025 au Burundi, la crainte de voir ressurgir ces vieux démons refait surface.

Selon le défenseur des droits de l'Homme Pierre Claver Mbonimpa, les discours de haine restent une réalité dans le pays, tout comme les tensions ethniques.

Il donne l'exemple du secrétaire général du parti le CNDD-FDD, Révérien Ndikuyo, qui selon lui à "chaque fois qu'il passe, il ne fait qu'enseigner la haine"  lorsqu'il s'adresse "aux jeunes du parti, les Imbonerakure".

Selon le militant des droits humains, "il y a beaucoup d'autres personnes qui ont des dents contre telle ethnie qui n'est pas la leur". Il estime par ailleurs que le Burundi a "du pain sur la planche en ce qui concerne les discours de haine". Si selon lui, "du côté du gouvernement, il n'y a pas de ministre qui ose prononcer de discours de haine", au sein du parti (CNDD-FDD) la situation est différente.

Des objets incendiés dans la rue lors d'une manifestation au Burundi en 2015Des objets incendiés dans la rue lors d'une manifestation au Burundi en 2015

Des réactions et sanctions sans réel effet

Récemment, le Conseil de l'Union européenne a renouvelé ses mesures restrictives contre Mathias-Joseph Niyonzima, un agent du Service national des renseignements. Il lui est notamment reproché d'avoir incité aux violences en 2015.

Il est aussi accusé d'avoir aidé à former, coordonner et armer les Imbonerakure, une milice de jeunes partisans du pouvoir, accusée de graves violations des droits de l'Homme.

Cette violence, Marguerite Barankitse, fondatrice de la Maison Shalom, en a été victime il y a quelques années au plus fort des tensions dans le pays. Sa structure, qui était un refuge pour les enfants et femmes victimes de violence, proposait aussi des soins hospitaliers. Aujourd'hui, elle vit hors du Burundi, mais le souvenir est toujours présent.

"Ils ont dépouillé leurs propres enfants. Leurs propres mamans malades… parce qu'à l'hôpital, ils ont volé, ils ont pillé le laboratoire, ils ont tout pris et maintenant c'est dans les mains de la milice Imbonerakure", raconte Marguerite Barankitse à la DW.

Marguerite Barankitse avec un micro dans la mainMarguerite Barankitse avec un micro dans la main

En septembre 2021, un peu plus d'un an après l'arrivée au pouvoir du président Evariste Ndayishimiye, une commission d'enquête de l'Onu avait relevé que la situation des droits de l'Homme restait désastreuse au Burundi.

L'Union européenne dit pour sa part suivre en permanence l'évolution de cette situation. Mais Pierre Claver Mbonimpa est dubitatif. Selon lui, "l'UE a toujours parlé, a toujours donné des conseils, mais le pouvoir fait la sourde oreille. Il faut que le gouvernement accepte que tous les groupes s'asseyent ensemble pour s'entendre, (ainsi) ce genre de haine pourra diminuer progressivement."

Interrogé sur la question des droits de l'Homme et des discours de haine au Burundi, Prosper Ntahorwamiye, le porte-parole du gouvernement, n'a pas souhaité faire de commentaire. Il a expliqué à la DW être dans une "obligation de réserve".

Elisabeth Asen | Carole Assignon