Burundi : il y a vingt ans, l’assassinat du nonce Mgr Michael Aidan Courtney
Société

Aleteia04/01/2024

Il y a vingt ans, le 29 décembre 2003, Mgr Michael Aidan Courtney était assassiné au Burundi. À l’occasion de ce tragique anniversaire, Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les Relations avec les États, a célébré une messe à son intention, en rappelant le rôle que le diplomate du Saint-Siège a joué dans la pacification de la guerre civile.

Nommé en août 2000 nonce apostolique au Burundi, l’Irlandais Michael Aidan Courtney a déjà une longue expérience accumulée dans différents postes de la diplomatie pontificale. Si le Burundi est un État petit par sa taille et sa population (12 millions d’habitants aujourd’hui), il est alors plongé, en cette fin de XXe siècle, dans une guerre ethnique qui ravage également son voisin rwandais. La mission du nonce est de contribuer à la pacification du pays, ce qu’il fit jusqu’au don de sa vie. 

Comme au Rwanda voisin, le Burundi est peuplé par deux ethnies principales, les Tutsis (environ 15% de la population) et les Hutus (environ 85%). Peuple d’éleveurs, notamment de vaches, les Tutsis se sont longuement opposés aux Hutus, peuple de cultivateurs. Bien qu’ils soient minoritaires, ce sont les Tutsis qui ont dirigé le Burundi, d’abord sous la monarchie puis sous la république post-indépendance (1962). À la suite du discours de La Baule de François Mitterrand (1990) demandant l’établissement de la démocratie en Afrique, le parti unique est supprimé au Burundi et des élections libres et multi-partis se tiennent en 1993. Sans surprise, c’est le groupe majoritaire, c’est-à-dire les Hutus, qui gagnent, renversant la direction tutsie pour la première fois de l’histoire du Burundi. Mais le nouveau président, Melchior Ndadaye, est assassiné cent jours après son intronisation, dans un coup d’État orchestré par des militaires. Cet assassinat provoque la révolte des Hutus, qui se soulèvent contre les Tutsis. Débute alors une série de massacres de masse. La guerre qui s’ensuit dure douze ans, et ne trouve son terme qu’en 2005. Le génocide des populations touche autant le Burundi que le Rwanda.

Une mort mystérieuse

C’est dans ce contexte très compliqué que Mgr Michael Aidan Courtney est nommé nonce. Il doit veiller à l’unité du clergé, divisé lui aussi entre Hutus et Tutsis, régler la question des prêtres ayant participé au génocide, souvent en incendiant des églises remplies de fidèles, et œuvrer à la pacification d’un épiscopat où le sang de l’ethnie prime souvent sur l’eau du baptême. Une mission hautement délicate alors qu’en 2000 la guerre dure depuis sept ans et qu’aucune solution de paix ne semble à l’horizon. Le diplomate du Vatican joue un rôle de premier plan dans la signature de l’accord conclu en novembre 2003 entre le gouvernement du Burundi et les rebelles hutus qui voulaient poursuivre les attaques contre les Tutsis. Un accord qui permet d’enclencher un chemin de pacification, jusqu’en 2005. Alors que Jean-Paul II souhaite le nommer nonce à Cuba, où il a déjà été en poste, Mgr Courtney exprime son souhait de rester encore quelque temps au Burundi afin de pouvoir suivre la mise en place de l’accord et l’édification de la paix. Si le Pape accède à sa demande en le maintenant au Burundi, il n’a pas le temps de voir la guerre s’achever puisqu’il est assassiné le 29 décembre 2003. Alors qu’il se déplace en voiture dans la région de la capitale, son véhicule est criblé de balles. Gravement blessé, il meurt peu de temps après à l’hôpital, à l’âge de 58 ans. 

C’est un exemple de l’action concrète que la diplomatie du Saint-Siège mène à travers le monde (…) qui conduit parfois certains de ses membres à y laisser la vie. Les soldats de la paix que sont les diplomates peuvent eux aussi mourir au front.

Les circonstances et les commanditaires de sa mort ne furent jamais identifiés. Le gouvernement accusa les Forces nationales de libération, mouvement hutu qui participait alors activement à la guerre civile. Mais le FNL nia toujours toute implication. En 2006, un journal sud-africain catholique, The Southern Cross, affirme, à la suite d’une enquête au long cours, que l’assassinat aurait été commandité par l’entourage du président du Burundi. Mgr Courtney aurait été informé de phénomènes de corruption et il serait ainsi devenu gênant pour le président. Une piste possible, mais qui n’a jamais été confirmée.

Hommage à un diplomate

Quoi qu’il en soit, Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les Relations avec les États, qui a par ailleurs succédé à Mgr Courtney en 2000 comme observateur du Saint-Siège auprès du Conseil de l’Europe, a souhaité rendre hommage à ce prêtre et à son action diplomatique essentielle, en célébrant une messe à la chapelle irlandaise Saint-Colomban, dans la crypte de la basilique Saint-Pierre. Plusieurs Irlandais résidant à Rome étaient présents lors de cette cérémonie. À travers son histoire, c’est un exemple de l’action concrète que la diplomatie du Saint-Siège mène à travers le monde, action discrète, mais efficace, qui conduit parfois certains de ses membres à y laisser la vie. Les soldats de la paix que sont les diplomates peuvent eux aussi mourir au front.

Jean-Baptiste Noé