Voyageurs ou commerçants pris de court la frontière entre Burundi et Rwanda
Economie

RFI, 12/01/2024

Rwanda : à un point de passage avec le Burundi, des populations prises de court par la fermeture des frontières

Après avoir accusé le Rwanda de soutenir un groupe rebelle qui a mené des attaques sur son sol, le Burundi a annoncé le 11 janvier 2024 la fermeture de la frontière avec son voisin, qui a rapidement « regretté » une décision « unilatérale ». À un poste-frontière entre les deux pays, des transporteurs, voyageurs ou commerçants ont été pris de court. Reportage.

La frontière entre le Burundi et le Rwanda est à nouveau fermée. La décision a été annoncée ce 11 janvier 2024 par le ministre de l’Intérieur burundais.

Dans la province de Bugesera, au poste-frontière entre Nemba et Gasenyi,  plusieurs véhicules sont bloqués ce vendredi. À Nemba, par exemple, la décision du gouvernement burundais a pris de court plusieurs conducteurs : une file d’une demi-douzaine de camions venant de Kigali ou d’Ouganda étaient bloqués devant la barrière. Certains sont arrivés tard dans la nuit, déjà en route quand ils ont appris la fermeture de la frontière.

Seule alternative actuelle : un long détour par la Tanzanie

Les chauffeurs affirment attendre maintenant les instructions de leurs employeurs. Seule alternative : le passage par la Tanzanie, à Rusumo, avant de pouvoir rejoindre le Burundi et Bujumbura, la destination finale de la majorité d’entre eux. Un détour qui rallonge le trajet de nombreuses heures et augmente les frais de carburant.

Pendant toute la matinée, des Burundais sont arrivés au poste-frontière, en voiture ou en moto, pour tenter leur chance et rentrer chez eux. Une femme, qui était allée rendre visite à son petit-fils en Ouganda, a par exemple appris cette nuit la nouvelle de la fermeture quand elle était déjà en route. Elle craint désormais de ne pas pouvoir retourner chez elle, à Gitega. Certains attendent encore à côté de la frontière, dans l’espoir d’une ouverture temporaire dans la journée.

« Ma destination finale, c’est Bujumbura. Malheureusement, je suis bloqué ici, et on n’est au courant de rien. Ils devraient prévenir à temps ! Dire qu’à telle date, la frontière va fermer. Parce que maintenant, beaucoup de véhicules sont déjà en route !...

Nous sommes choqués mais nous n'avons aucune solution, sauf attendre que les gouvernements du Rwanda et du Burundi s'assoient pour résoudre les problèmes...»

Depuis un an, les échanges transfrontaliers reprenaient petit à petit

Cette fermeture intervient après de nouvelles tensions diplomatiques entre le Rwanda et le Burundi. Le président burundais Évariste Ndayishimiye a accusé il y a quelques semaines Kigali de soutenir le groupe armé Red Tabara, responsable d’une attaque qui a fait une vingtaine de victimes en décembre au Burundi.

Des allégations niées en bloc par les autorités rwandaises qui ont, hier soir, affirmé dans un communiqué regretter la décision unilatérale de Gitega de bloquer les frontières.

Des frontières qui n’avaient rouvert qu’en 2022, après sept ans de fermeture, alors que les deux gouvernements s’accusaient mutuellement d’appuyer des rebelles.

Certains commerçants rwandais de villages alentours regrettaient ce vendredi matin de devoir, une nouvelle fois, s’en sortir sans leur clientèle burundaise, qui venait régulièrement se fournir dans leurs boutiques. C'est par exemple le cas de Dusabinama Venantie, commerçante du centre de Ramiro. Elle déplore une perte considérable. « Les Burundais venaient nombreux, ils achetaient du sucre, de l’huile, beaucoup de choses chez nous. C’est un grand problème, car par exemple un Burundais pouvait venir et acheter 10kg de sucre en un jour, et maintenant, je ne vais peut-être même pas vendre 3 kg, je vais perdre de l’argent ».

Dans le village, les commerçants se réjouissaient depuis un peu plus d’un an de la reprise des échanges transfrontaliers, après une première et très longue fermeture de presque sept ans, de 2015 à 2022. Une reprise de courte durée, qui n’avait pas encore retrouvé son ampleur d’avant, affirme le vendeur de vêtements et de chaussures pour hommes Samuel Ndihokubwayo. « Avant la première fermeture, je vendais des produits dans le marché de Batima. C’est là où on trouvait beaucoup de clients burundais. Ils pouvaient acheter tout ce qu’on amenait au marché pour les ramener chez eux. Avec la réouverture, ce n’était pas revenu comme avant, comme c’était avant 2015. »

Chez les habitants proches de la frontière, on espère donc que cette fois-ci, la fermeture sera de courte durée. Notamment pour ceux qui ont de la famille des deux côtés, et s’inquiètent d’être de nouveau séparés de leurs proches pour une durée indéterminée.

Avec notre envoyée spéciale à Nemba, Lucie Mouillaud