La lutte contre la corruption : faut-il y croire ?
Opinion

@rib News, 02/09/2010

Par Carlotta Bazumvaryari

Le Président NKURUNZIZA vient d’être investi pour son deuxième mandat après des élections on ne peut plus controversées. Le score de 93&percnt avec lequel il a été élu reflète plus l’agonie de la démocratie burundaise que sa popularité.

La cérémonie qui s’est déroulée presque à huis clos semble même nous donner raison. Les mesures sécuritaires à l’“irakienne” ont tenu les populations très éloignées. C’est un véritable paradoxe pour un président élu à 93 pourcent !  Les menaces des Shebabs ne pourraient en être la seule explication !

Et bien que très présents dans les manifestations d’investiture de ses pairs africains, ces derniers ne se sont pas mobilisés pour son intronisation. Seul Kagame du Rwanda a daigné se déplacer  à cette occasion. Les autres se sont contentés d’envoyer des représentants.

Tout le monde attendait son discours d’investiture, et seuls les optimistes invétérés ont été déçus. Quant à ceux qui ont déjà compris la nature du pouvoir CNDD-FDD, ils ne s’attendaient nullement à mieux.

Ce qui a captivé mon attention c’est la soi-disant “tolérance zéro ” à  la corruption et aux malversations économiques. Encore une fois,  tant pis pour les crédules ! En ce qui me concerne je n’y crois guère.

Mais pourquoi me direz-vous ? Pour de très nombreuses raisons :

1°) Pendant le 1er mandat, aucun  responsable n’a été inquiété pour cause de corruption ou de malversations économiques. Le pauvre Rufyiri, responsable de l’Organisation de Lutte Contre la Corruption et les Malversations Economiques(OLUCOME) a prêché cinq ans durant dans le désert. A titre de quelques exemples : L’avion présidentiel a été vendu dans des conditions on ne peut plus obscures, et l’affaire Interpetrol, dans la quelle l’Etat aurait perdu 22 milliards de francs, vient d’être classée sans suite. Des minerais sont extraits et vendus clandestinement par les pontes de la République.

Pis, Ernest MANIRUMVA, Vice-président de l’OLUCOME, a été assassiné, et ses tueurs ne semblent guère être inquiétés outre mesure plus d’un an après leur forfait….

2°) Les dernières élections semblent avoir été un véritable “festival” de corruption :

- Les candidats concurrents de NKURUNZIZA à la candidature présidentielle, au sein même du parti CNDD-FDD, auraient fortement monnayé leur retrait.

- Les bonnes places sur les listes des législatives, ou des sénatoriales auraient  été achetées  à coup de dizaines de millions.

- Les caisses des sociétés paraétatiques ont largement servi à financer la campagne électorale du CNDD-FDD.

- La presse parle abondamment de la “vente” des postes dans la haute administration du pays. Les burundais parlent avec humour de “l’achat en gros”. Et ces “grossistes” vendront ensuite en “ détails ”. Cela veut dire, que les hauts fonctionnaires monnayeront à leur tour les postes subalternes, ainsi de suite…

- Les élections ont été marquées par toutes sortes de corruptions : “ cadeaux ”, achats de votes, financements d’origine douteuse, abus de ressources étatiques, contributions obligatoires des fonctionnaires, intimidation, etc.

Cerise sur le gâteau, la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) qui a supervisé cette supercherie électorale, a été chaleureusement félicitée par le nouveau (et ancien) chef d’Etat.

Dans ces conditions, on n’a pas besoin d’être Thomas Didyme pour douter. La corruption va sans aucun doute s’accentuer ; ceux qui ont “acheté” leurs juteuses places  “ se rembourseront avec intérêt ”. Et je ne serai même pas étonné si demain j’apprends que des trafiquants de drogue  ont élu domicile à Bujumbura !

La corruption est donc l’essence même du pouvoir CNDD-FDD, et le discours sur la corruption du Président NKURUNZIZA s’adresse aux bailleurs de fonds étrangers, car aucun burundais, y compris ses propres militants, n’y croit.