Poème dédié à Maître François Nyamoya et à sa famille
Opinion

@rib News, 16/10/2010

Mwaramutse, Mwiriwe[1] Maître Nyamoya François[2]

Bonjour François, bonjour Maître Nyamoya François,

Bonjour mille fois, gros anchois[3] d’un monde narquois qui déçoit.

Comme  tu le perçois à travers cette ode, point en patois,[4]

L’univers des Droits de la Personne est en émoi et bien pantois.[5]

Comment vas-tu aujourd’hui? Bon matin, bonjour, bonne soirée.

Je suis bien attristée par cette tournure conspirée.

Comme jadis, je sais que tu es innocent.

Comme antan, tu sais que tu es innocent.

Comme dans le temps, il sait que tu es innocent.

Turgescent, il sait que tu es innocent, cent pour cent.

Comme il y a belle lurette, nous savons que tu es innocent.

Comme Naguère, vous savez qu’il est innocent.

Comme autrefois, ils savent que tu es innocent.

Comme toujours, elle sait, elles savent que tu es innocent.

Ô, la misère et la galère lisèrent[6] les pourtours de nos foies.

« Jadis, antan, le temps, belle lurette, naguère et autrefois »

Nous rejoignent au galop une nième fois, en épave,

Avec du sang désoxygéné de leurs veines caves,

Faisant fi du volume du sang des innocents et de leur foi concave,

Charriée vers nous par l’aorte-démocratie, à la couleur de betterave.

Maître Nyamoya, il n’est point digne que ton charisme -  toi eau-forte -

Aille paître dans les eaux souillées de « Mpimba»[7] de la sorte!

Flegmatique[8] François, ici je colporte et ausculte

Les cris de ton cœur et ton corps en révolte,

Les pleurs de ta femme et de tes enfants accortes sans escorte.

A bas, le champagne qui a célébré la main forte,

De ton escorte en prison, te croyant une feuille-morte,

Au nom des mains retroussées et de brides demi-mortes

De la loi ridée, la seule version que tu ne connais pas. Mais peu importe.

Je prends comme témoin tant d’autres cohortes.[9]

A travers cette prose, tous les démocrates vous réconfortent.

Ma famille et moi-même vous exhortent,

En attendant que justice et démocratie remportent,

Et que de cette alvéole « Mpimba »,  ressortent,

Tous habillés en vert,[10] d’authentiques démocrates,

Brandissant des plumes et du papier de journalistes citrates,[11]

Des codes de loi, des bibles, des corans et des sourates en strates.

Bientôt, très bientôt, oui bientôt, en siamois,

Ils sortiront de prison, un ou tous à la fois, dont toi François.

Bonne journée, bonne nuit François. Personne ne peut rouir[12]

Tes méninges « waterproof »[13], étanches, qui ne font que nous réjouir.

Nous savons que rien ne peut t’alanguir,

Ni scinder par bistouri en bissectrice ton élan à épanouir,

Encore moins, cet exanthème[14] obligé de démocrates en cadence.

Ton cas est loin d’être une primitive coïncidence,

Au pays de la démon-cratie[15] et de ses mauvaises crédences,[16]

Près de Cinquante ans après son indépendance en résidence.

A bientôt François, mon ami, la liberté t’attend en toute évidence,

Et ce jour-là, nous allons tous rire de cette imprudente impudence.[17]

Et j’ose espérer, que cette impudente imprudence

De t’exalter en calligraphie, ne me coûte toute ma semence.[18]

Que vive la démocratie,

Dans toute sa splendeur et sa suprématie!

Régine Cirondeye

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Poème dédié à Maître François Nyamoya en prison et à sa famille.

Septembre – Octobre 2010.


[1] Mwaramutse, mwiriwe : Bonjour, bon après-midi / bonsoir en Kirundi.

[2] Maître François Nyamoya est un grand avocat, professeur d’Université et défenseur des droits de la personne. Il est militant d’un parti opposition. Il est, au jour de la composition de ce poème, détenu à la prison centrale de Mpimba à Bujumbura au Burundi. Voire note 7.

[3] Anchois : sorte de poisson.

[4] Patois : dialecte. Ici « en termes clairs ».

[5] Pantois: Ahuri, étonné.

[6] Liserer (ou lisérer) : En couture, border un tissu d’une dentelle ou d’un volant.

[7] Mpimba : Prison tristement célèbre située à Bujumbura au Burundi.

[8] Flegmatique : personne imperturbable dont le tempérament ou le comportement sont calmes de nature.

[9] Cohortes : Ici l’auteure veut parler de tous les autres démocrates et défenseurs des droits humains dans le monde encore en prison ou enfin libres.

[10] Le vert est la couleur uniforme des prisonniers de Mpimba.

[11] Citrate : Sel de l’acide citrique. Au sens figuré, journalistes qui ne mâchent pas leurs mots.

[12] Rouir : En textile, détruire la matière gommeuse et ligneuse liant les unes aux autres les fibres textiles par un séjour (de certaines plantes) dans l'eau.

[13] « Waterproof » : étanche, imperméable, qui ne laisse pas passer les liquides.

[14] Exanthème : rougeur cutanée.

[15] Démon-cratie: mot inventé par l’auteure dans ses poésies. Un jeu de mots « démon » et « démocratie » pour signifier les folies meurtrières au Burundi.

[16] Crédences: poches.

[17] Impudence: arrogance, audace.

[18] Le vers est une ironie poétique qui relate les difficultés de la liberté d’expression des démocraties naissantes.