Burundi : Des zones d’ombre demeurent après l’annulation d’un contrat « mafieux »
Opinion

@rib News, 17/01/2011

L’annulation du contrat entre le gouvernement de Bujumbura et AAE Systems pose plus de questions qu’elle ne donne de réponses

Thierry UwamahoroPar Thierry Uwamahoro

A part l’histoire des rebelles-bandits-armés-démantelés mais bizarrement revendiqués par sieur Ciramunda et qui continuent à se faire violemment parler d’eux, il est difficile de s’imaginer une autre affaire qui aura marquée les 4 premiers mois de Nkurunziza II, plus que le contrat « mafieux » d‘un demi milliard de dollars (Américains) entre le Gouvernement de Bujumbura et la société Américaine AAE Systems.

Neuf mois durant, ce contrat dont la valeur est supérieure à 80% du budget national (exercice 2010) et qui contenait tant de « vices de procédure » est resté dans les tiroirs de la Présidence de la République et du ministère du Plan et du Développent communal (devenu apparemment ministère des hautement Hauts Secrets de L’Etat) sans qu’aucun mot ne filtre la dessus ni au ministère des Finances, ni au Conseil des ministres, ni au Conseil national de sécurité. Qu’est-ce qui se serait passé si l’Olucome (dont chaque Burundais devrait se féliciter l’existence) ne s’était pas procuré une copie de ce contrat ?

Dans sa sortie médiatique, après un silence aussi inquiétant qu’éloquent, le porte-parole du Président de la République a essayé de calmer les esprits en demandant au peuple Burundais et à la communauté internationale d’avoir « confiance dans le chef de l'Etat qui est en train de suivre l'affaire » et en affirmant que « tout ce qui est en train de se faire, nonobstant certains vices de procédures, c'est dans l'intérêt national ». Il n’a pas donné plus de détails. Il fallait le croire à ses mots.

Pas aussi vite Mr. Le porte-parole ! Notre mémoire n’est pas aussi courte. D’autres porte-paroles dans un passé très récent nous avaient répété que le Falcon 50 a été vendu dans l’intérêt supérieur de la nation ; que le gouvernement avait des preuves irréfutables impliquant Ndayizeye et Kadege dans la préparation d’un complot contre l’Etat ; qu’après vérification des chiffres d’affaires par l’économiste Vice-président lui-même, la santé financière de la SOSUMO n’avait jamais été aussi bonne ; qu’aucun soldat Burundais n’a posé pied au Congo ; que l’insécurité qui se fait parler d’elle n’est que l’œuvre de quelques « bandits armés »… Il me parait que vous avez déjà maximisé votre « carte crédit ».

S’il faut continuer à vous croire et à vous faire confiance sans explications ni preuves à l’appui, ce ne serait que parce « ibanga ry’ukwemera ari agatangaza ».

«Trust but verify » (ayez de la confiance, mais vérifiez) martelait constamment l’ancien Président Américain Ronald Reagan à ses interlocuteurs soviétiques. Trust but verify devra désormais être le modus operandi. Il ya tellement de questions qui restent sans réponses pour que l’affaire, qualifiée de « plus grand "scandale politico-financier" jamais dévoilé au Burundi », soit classée close et transparente.

Il y a d’abord la question pertinente des mécanismes de paiement par lesquels comptait le gouvernent du Burundi (ou le petit cercle des gardiens des hauts secrets d’état) pour s’acquitter de plus de $ 500.000.000 ! Une somme nettement supérieure aux recettes annuelles de l’état Burundais ; un des états les plus pauvres de la planète et dont la moitié du  budget est financée par la communauté internationale.

Certaines gens commencent à spéculer que le contrat n’était qu’un alibi pour une histoire criminelle de blanchissement d’argent. On parle des concessions minières à une société tierce et que sais-je encore. Il s’avère indispensable que l’équipe des négociateurs de ce contrat sorte de son silence pour éclairer l’opinion.

Et si le Burundi pouvait accéder facilement à un demi-milliard de dollars américains, ne nécessite-t-on des études et discussions profondes pour déterminer les secteurs prioritaires d’investissement ? L’agriculture ? L’éducation ? La santé ? 80% de la population vit de l’agriculture mais le pays vit au rythme de famines chroniques !

Est-ce que le gouvernement du Burundi entend renégocier le contrat avec AAE Systems? Va-t-il chercher un autre fournisseur ? Qui a poussé le gouvernement à annuler le contrat ? Pourquoi a-t-il pris neuf mois (sous la pression de la société civile Burundaise) pour que le contrat soit revu ? Qui avait mandaté les négociateurs et les signataires en premier lieu ? Y-aura-t-il des suites administratives ou judiciaires à l’encontre de ces gardiens du trésor public qui, au plus minimum, semblent avoir affiché une légèreté criminelle dans le traitement d’un contrat de plus de $500.000.000 dans un pays ou le revenu annuel par tête est de $300 ?

La liste des questions à répondre après la résiliation du contrat pour des raisons qui restent du moins inexpliquées, n’est pas exhaustive. Espérons que le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple rendra compte au peuple sur cette affaire.

Malheureusement, il se pourrait que les réponses à toutes ces questions soient classées « top secret » et ne quitteront jamais les tiroirs du ministère des hauts secrets d’état (ou plutôt du Développent communal). La démocratie, la bonne gouvernance et la transparence en mourraient !