Burundi : La RPA dans le collimateur du pouvoir qui durcit le ton contre les médias
Politique

@rib News, 24/08/2008 – Source PANA

 Le Conseil national de la communication (CNC), l'organe de régulation des medias du Burundi, a menacé, mardi, la Radio publique africaine (RPA, indépendante) de "sanctions" si elle ne présentait pas publiquement des excuses par la voie des ondes "pour les torts qu'elle a causés à des tiers par le mauvais traitement de l'information et la diffusion de fausses nouvelles au cours de ces huit derniers mois".

Le CNC a tenu à rédiger lui-même les termes des excuses que l'organe incriminé devra diffuser "intégralement et sans commentaire, dans les grandes éditions du matin, de la mi-journée et du soir, en français et en kirundi (les deux langues officielles du Burundi) pendant trois jours", indique le texte de la décision portant sanctions applicables à la RPA, rendu public mardi.

La RPA doit notamment reconnaître et diffuser avoir commis, au cours des huit derniers mois, "plusieurs erreurs d'éthique et de déontologie professionnelle en diffusant des informations erronées à l'endroit d'une dizaine de personnalités politiques et militaires du pays, dont le chef de cabinet civil à la présidence de la République, Melchior Magara, l'actuel ministre de l'Intérieur et du Développement communal, Venant Kamana".

Le CNC a encore dicté à la RPA de "regretter publiquement tous les effets négatifs causés aux personnes mises en cause dans ses reportages".

"La diffusion de ce texte devra commencer trois jours suivant la réception de cette décision, à défaut de quoi, le CNC se verra dans l'obligation de prendre d'autres sanctions envers la RPA", prévient encore le CNC, qui reproche à l'organe de presse d'avoir, entre autre, violé l'article 10 de la loi sur la presse au Burundi en diffusant le 30 janvier 2008, "sans fournir de preuves", une information accusant de hautes autorités du pays, dont le chef de cabinet civil de la présidence de la République, Melchior Wagara, de vouloir créer une rébellion pour assassiner les opposants politiques et semer la terreur dans la population.

L'article 10 stipule que le journaliste est tenu de s'abstenir de diffuser des informations pouvant porter atteinte à "l'unité nationale, l'ordre et la sécurité publics, à l'honneur et à la dignité humaine".

La décision rappelle qu'en vertu des dispositions de l'article 47 de la loi régissant la presse au Burundi, "le CNC a le pouvoir de suspendre ou de retirer la licence d'exploitation à une station de radiodiffusion qui ne se conforme pas à la loi et met en danger la consolidation de la paix, l'ordre public, l'unité nationale, la vie privée des personnes et la dignité humaine".

Le directeur de la RPA, Emmanuel Nsabimana, a aussitôt rejeté en bloc les accusations de violation du code d'éthique et de déontologie régissant la loi sur la presse au Burundi, refusant du coup l'injonction de présenter des excuses publiques en dehors des procédures judiciaires.

La journée de mardi a été particulièrement riche en procès médiatiques marqués également par la première comparution en audience publique du directeur de l'agence de presse privée en ligne, "Net Press", Jean-Claude Kavumbagu, au bout de deux semaines de détention préventive à la prison centrale de Bujumbura pour "diffamation et imputation dommageable" sur plainte du Secrétaire général du gouvernement, Philippe Nzobonariba.

Le dossier a été pris en délibéré pendant 48 heures, le temps de statuer sur la demande des cinq avocats de la défense de voir leur client comparaître en prévenu libre.

Aux dernières nouvelles, on apprend, par ailleurs, que le patron de la RPA, Emmanuel Nsabimana, doit encore comparaître jeudi prochain devant le Parquet général de la République pour un motif non encore connu.

Les relations entre le pouvoir et la presse s'étaient considérablement améliorées ces derniers temps et les nouveaux procès médiatiques viennent rappeler les moments durs de l'année 2006 au cours de laquelle plusieurs journalistes des principales radios indépendantes du pays avaient fait la prison pendant de longs mois pour "diffusion d'informations en cours d'instruction" qui avaient trait à une tentative de coup d'Etat manqué contre l'actuel régime du président Pierre Nkurunziza.