Malversation de grande envergure au Burundi : le pouvoir brade les biens de l'Etat
Politique

@rib News, 29/09/2008

 Les informations en provenance du Burundi rapportent que le pouvoir en place, du président Pierre Nkurunziza et du parti CNDD-FDD, est entrain de s'activer dans la braderie des entreprises et du patrimoine du pays, derniers « Joyaux de la République », et qu’il est même sur le point de profaner la dernière demeure du héros national de la Démocratie, Melchior Ndadaye, et de ses illustres compagnons de lutte.

Selon le « Mémorandum d’entente relatif à la mise en œuvre de certains projets d’investissement entre la Libyan Arab African Investment Compagny (LAAIC) et le Gouvernement de la République du Burundi » signé fin juillet 2008 et dont ARIB.INFO s’est procuré une copie que nous publions en intégralité, le Gouvernement burundais s’est engagé à céder à la compagnie libyenne LAAICO les actions de l’Etat dans plusieurs sociétés et entreprises publiques et à mettre à sa disposition plusieurs terrains dont le domaine du Palais du 1er Novembre.

Selon cet accord, la compagnie libyenne va acquérir les actions de l’Etat dans la Société Hôtelière et Touristique du Burundi (SHTB) et réhabilitation de l’Hôtel Source du Nil, ainsi que les actions offertes aux investisseurs étrangers dans le processus de privatisation de l’Office national des Télécommunication (ONATEL), et va prendre part au capital de la Société Sucrière du Moso (SOSUMO).

En contre partie, la société libyenne s’engage à réhabiliter l’Hôtel Source du Nil, à construire un Centre Internationale de Conférence dans le centre-ville de Bujumbura et un Hôtel 5 étoiles au bord du Lac Tanganyika.

Et pour ce faire, le Gouvernement burundais s’est engagé à accélérer le processus de désengagement de l’état et de privatisation de la SHTB, de l’ONATEL et d’ouvrir le capital de la SOSUMO à des investisseurs privés et à encourager les sociétés publiques à vendre leurs actions, dans toutes ces sociétés étatiques, à la compagnie libyenne LAAICO.

Le Gouvernement burundais s’est en outre engagé à mettre à disposition de la société libyenne le terrain N° cadastre 4548 B/A situé au centre ville, boulevard du 1er novembre, près de l’Hôtel Source du Nil et du Cercle Hippique.

Ce terrain que le Gouvernement s’est engagé à céder à la compagnie libyenne est un lieu symbolique dans la mémoire collective des Burundais et dans l’Histoire récente du pays. Il s’agit en effet du domaine du Palais du 1er novembre, qui, faut-il le rappeler, était la résidence du premier président démocratiquement élu au Burundi, Melchior Ndadaye, et a été attaqué dans la nuit du 20 au 21 octobre 1993 par les militaires putschistes. Cette attaque, soldée par l’assassinat de Ndadaye et plusieurs de ses collaborateurs, sera l’élément déclencheur d’une guerre civile de près de 15 ans ayant fait plusieurs centaines de milliers de victimes innocentes et dont le pays peine encore de se sortir.

C’est à l’intérieur des murs de l’enceinte de ce Palais qu’a été inhumé le président assassiné Melchior Ndadaye, élevé au titre de Héros national, ainsi que ses compagnons, Martyrs de la Démocratie, tombés dans la même tragédie. Son successeur, Cyprien Ntaryamira, décédé en avril 1994 dans l’attentat terroriste contre l’avion du président rwandais, est aussi inhumé au même endroit.

Le Mémorandum signé entre les Libyens et le Gouvernement burundais, reste muet sur le sort qui sera réservé aux dépouilles de ces illustres défunts.

Le Gouvernement burundais s’est aussi engagé à mettre à la disposition des Libyens un terrain de deux hectares situé au bord du Lac Tanganyika, le long de la route Bujumbura-Uvira.

Le Gouvernement burundais demande en plus aux Libyens d’investir dans plusieurs autres sociétés publiques, notamment l’Office de Thé du Burundi (OTB), la Compagnie de Gérance du Coton (COGERCO), le Complexe Textile du Burundi (COTEBU), et la Bouteillerie et Verrerie du Burundi (VERRUNDI), cette dernière étant déjà en liquidation.

Enfin, le Gouvernement burundais demande au Libyens d’analyser la possibilité de construire un abattoir moderne à Bujumbura, un complexe immobilier, un centre commercial, des immeubles administratifs, une raffinerie d’huile de palme et un stade moderne omnisport. Propositions que la partie libyenne s’est engagée à analyser favorablement.

Outre ce Mémorandum, le Gouvernement burundais et la compagnie libyenne LAAICO ont signé un « Arrangement spécial relatif aux avantages douaniers et fiscaux en vue de promouvoir certains investissements de la Libyan Arab African Investment Compagny (LAAIC) au Burundi ».

Selon les termes de cet arrangement spécial, le Burundi va accorder à la compagnie libyenne des garanties de protection et de sécurité, d’indemnisation complète (payée en monnaie convertible, càd devises) sur les pertes, ainsi que nombreux avantages douaniers et fiscaux dont, entre autres, l’exemption totale, immédiate et directe lors du franchissement du cordon douanier, de tous les droits, impôts, redevances et contributions de toutes natures.

Plusieurs voix commencent à s’élever, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, contre ce scandaleux arrangement « très spécial », concocté sur mesure par l’Etat burundais pour la compagnie libyenne LAAICO, accord qui, selon les experts, ne respecte aucune règle en matière de cession de titres et parts d’entreprises de l’Etat ou passation de marchés publics, et qui à terme fera perdre des milliards aux contribuables burundais.

Pour plusieurs observateurs avisés de la vie politique du Burundi, cette nouvelle affaire sent fort une opération de malversation de grande envergure et montre à suffisance jusqu’à quel bas niveau les tenants du pouvoir actuel, déjà miné par la corruption et empêtré dans plusieurs vilains scandales politico-financiers, sont descendus dans leur quête d’enrichissement rapide, facile et illicite. 

Lire le « Mémorandum d’entente » et l' « Arrangement spécial »