Affaire Manirumva : les leçons d'une arrestation inattendue
Opinion

@rib News, 16/05/2011

Sésé retourne à la case de départ.

Apprendra-t-on les leçons qui s’imposent ?

Thierry UwamahoroPar Thierry Uwamahoro.

Selon le rapport de la troisième commission d’enquête sur l’assassinat de feu Ernest Manirumva, Gabriel Nduwayo, connu sous le sobriquet de Sésé, a accepté de commander les démobilisés qui ont sauvagement assassiné feu Manirumva, « moyennant la réalisation de quelques conditions en sa faveur. La principale de ces conditions était la garantie que, lui et sa famille, échapperont à la justice burundaise une fois poursuivi pour cette affaire ».

Très proche du Magistrat Suprême Burundais (Pierre Nkurunziza) et encore très proche des « tout-puissants » services nationales de renseignement (conclusion de la Cour Fédérale canadienne), Sésé, le directeur technique du Le Messager FC (équipe présidentielle des enfants footballeurs) et présumé assassin de Manirumva, n’avait rien à craindre.

Il se maria avec sa deuxième femme, il eut son visa pour les Etas-Unis, il s’installa au Canada…la pièce semblait être jouée ; sauf que quelque part la « Campagne Justice pour Ernest Manirumva » veillait au grain et refusa qu’ainsi soit la fin de cette pièce sombre et tragique. Bien sûr que les épisodes futurs pourront nous réserver des surprises.

Une chose est évidente, les assassins de Manirumva ainsi que tout ce monde qui passent son temps à clamer haut et fort que Manirumva est un « Burundais comme les autres » qui devrait être impunément tué et oublié comme tous les autres Burundais, ne s’attendaient pas à cette tournure -historique et première- des événements dans l’histoire contemporaine burundaise. Pour la toute première fois au pays de Mwezi Gisabo, un groupe de personnalités physiques et morales a érigé un combat non-violent, bâti sur une coalition internationale pour que les assassins d’un Burundais, quelque soient leur rang social, soient traduits en justice.

Contrairement aux planificateurs de l’assassinat de Manirumva qui avaient une « stratégie » nationale (consistant à échapper à la justice burundaise), la « Campagne Justice pour Ernest Manirumva » semble avoir compris que, s’il faudra faire face pacifiquement à l’armada de David Nikiza et Désiré Uwamahoro et en sortir victorieuse, la coalition pour la justice devra revêtir un caractère international.

De Bujumbura à Bruxelles, de Washington à Banjul, de Nairobi à Genève, de Paris à New York, les défenseurs de droits humains burundais se sont assurés que la cause justice pour Manirumva ne tombe aux oubliettes. L’expulsion manu militari de Gabriel Nduwayo du sol canadien montre bel et bien que la marche vers la justice continue et que ce ne sont pas les policiers de Nikiza arrivant en toutes pompes, telle une scène hollywoodienne, qui la stoppera.

Reste alors à la justice burundaise de prendre la balle au rebond, de continuer à redorer son image et de ne dire rien que le droit dans cette affaire qui a tant durée. La Cour Fédérale canadienne, elle, nous dit qu’elle est en possession d’une «preuve documentaire» permettant de « conclure qu'il [Gabriel Nduwayo] est impliqué de très près dans l'assassinat de M. Manirumva ».

Le cas Sese, présumé assassin de Manirumva, devrait servir d’exemple pour tous ceux –bandits armés, rebelles ou agents de l’Etat- qui nous massacrent dans Bujumburura rural et ailleurs, pour tous ceux qui nous torturent à Bujumbura, Kayanza, Rumonge, Muyinga et ailleurs. Dans la conjoncture actuelle, si la justice burundaise n’agit pas, ils ne sont pas garantis d’échapper à la justice internationale. Sûrement que Gabriel Nduwayo avec ses amis « d’en haut » ne s’attendait pas à se retrouver dans la prison de Rumonge en transitant par le Canada  deux ans après l’assassinat de Manirumva.

Comme disait métaphoriquement ce sage qui intervenait dans le documentaire produit par Protection International sur la « Campagne Justice pour Ernest Manirumva », « le Burundi n’est plus un petit pays du temps des rois ». A bon entendeur, salut !