21 octobre 1993 : L'armée pose un acte irréparable

EDITORIAL

Par La Rédaction - Ijambo – Les quatre vérités, N° - Octobre 1996

21 octobre 1993 - 21 octobre 1996. Il y a trois ans, la folie meurtrière conduisait l'armée à poser un acte irréparable. L'assassinat de son Excellence le Président Melchior NDADAYE, et d'autres autorités issues du FRODEBU, allait plonger le pays dans un gouffre sans fond.

Depuis ce jour, le pays n'a jamais recouvré la sécurité. Trois ans se sont écoulés, emportant pratiquement chaque jour des citoyens burundais sans défense. Trois ans d'engrenage de la violence partout dans le pays, de crimes massifs, de souffrances inouïes, de peurs, d'exils, de pleurs. Trois ans de menaces, de chantage, de pression d'un côté, de traumatismes, de compromissions et de naïveté ou de mauvais calcul de l’autre.

Mais surtout trois ans de lente naissance d'une véritable révolution. Car, avec la décapitation de la démocratie, le 21 juin 1993, un rêve était brisé: celui d'une révolution pacifique. Après avoir longtemps hésité, le peuple burundais, rassemblé derrière les autorités rescapées des massacres de l'armée, a compris que le moment était venu de prendre les armes pour se libérer. Depuis lors, tous les efforts et les moyens déployés par les putschistes et leur armée en vue de démanteler les forces de résistance sont restés vains. Les combattants pour la liberté et la démocratie deviennent chaque jour plus forts. Après la décapitation de l'Etat et des institutions démocratiques issues des élections de juin 1993 par les ennemis de la démocratie, le peuple avait-il encore le choix? Certes pas. Et ce n'est pas de gaieté de coeur que ce dernier  s'est résolu à s'engager dans la lutte armée, car l'ennemi disposait d'un arsenal militaire à même de dissuader les combattants.

Aujourd'hui, le peuple burundais est debout. Debout contre ses assassins, debout contre une armée gouvernementale criminelle; debout pour la liberté, debout pour la défense de la démocratie. Et si la question des réfugiés se pose à nouveau avec une intense acuité dans l'Est du Zaïre, suite aux attaques conjuguées des armées monoethniques des gouvernements Rwandais et Burundais, appuyées par l’Ouganda, nul doute que, dans le dessein putschiste de la junte burundaise, cette tentative d'exportation de la guerre sur la terre zaïroise répond à l'incapacité de l'armée burundaise à maîtriser une guerre qu'elle a elle-même initiée au Burundi.

L'échec de l’armée gouvernementale burundaise à imposer un équilibre de la terreur à une population qui lui est hostile la pousse à user de divers subterfuges pour faire diversion. Pour combien de temps encore? Personne ne le sait car le peuple du Burundi est victime tant de l’armée monoethnique tutsi-hima que de la complicité de puissances étrangères qui s’efforcent à internationaliser le conflit.

La région des Grands Lacs est devenue en effet un terrain de bataille pour des intérêts qui dépassent de loin la volonté de domination de seigneurs de la guerre. Les Etats-Unis, qui ont manqué au rendez-vous de 1885 (Berlin) pour le partage de l'Afrique, chercheraient-ils à damer le pion aux colonisateurs d'hier? Peut-on trouver quelque cohérence aux stratégies consistant à « diviser pour régner », se servir de minorités calquées sur le modèle « aryen » au détriment des peuples dits « inférieurs », financer de nouvelles armées de conquête africaine issues de pays « anglophones », redessiner la carte africaine, ... ?

Cependant, la résistance est en marche. Car, s'ils ne peuvent encore se défendre efficacement contre les assauts des armées de la mort, les Burundais, comme d’autres peuples de la région, ont pris conscience du danger. A moyen et long terme, les régimes anti-démocratiques ont peu de chance de survivre.

La Rédaction

octobre 1996