Traqués pour leurs organes, les albinos burundais vivent dans la terreur |
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@rib News, 14/10/2008 – Source AFP Alerté par ses voisins, Richard, 19 ans, a fui une bande de tueurs à ses trousses, s'est caché deux jours dans la forêt avant de gagner Ruygi, dans l'est du Burundi, où les autorités ont décidé de protéger des albinos terrorisés, devenus la cible de meurtres rituels. « Ce sont des voisins qui m'ont prévenu qu'une bande de tueurs cherchait à me tuer et j'ai couru de toutes mes forces », dit-il en souriant, malgré sa "terreur". « On dit que les parties du corps prélevées sur les albinos sont vendues en Tanzanie. On les met sur des mines d'or et cet or remonte à la surface et on n'a plus qu'à le ramasser. Ou alors des pêcheurs les utilisent pour appâter de gros poissons qui ont de l'or dans leur ventre », explique-t-il. Richard Ciza bénéficie désormais de la protection des autorités qui ont décidé de regrouper les 45 albinos recensés de la province pour leur épargner le sort tragique de deux des leurs, tués fin septembre dans la région. Le 22 septembre, Spès, une jeune de fille de 16 ans, était assassinée dans son village de Nyabitsinda puis démembrée, ses bourreaux emportant bras et jambes. Quelques jours plus tard, un homme subissait exactement le même sort dans son village de Bweru. « Nous avons tenu une réunion de crise avec l'administration, la police, les élus de notre province et des représentants des albinos (...) Nous avons décidé de rassembler les 45 albinos pour assurer leur sécurité », explique le procureur de la République de Ruyigi, Nicodème Gahimbare. En attendant que l'administration organise leur prise en charge, M. Gahimbare héberge depuis une semaine les albinos dans sa maison entourée d'un mur d'enceinte de 3 mètres de haut. De sept les premiers jours, ils sont à présent 25 à avoir répondu à l'appel. Rencontré sur la route principale menant à Ruyigi, Ephrem, un petit garçon de huit ans, qui en paraît quatre, vient de parcourir difficilement 10 km à pied avec son père, depuis son domicile de Nyabitsinda. « Ceux qui ont leur propre couleur de peau (albinos) sont pourchassés parce qu'ils seraient devenus des objets de commerce pour certains. J'ai donc décidé de mettre à l'abri mes deux enfants qui ont leur propre couleur de peau », explique pudiquement Protais Muzoya, père de 10 enfants dont deux albinos. « Pas loin de chez moi, des criminels ont tué une fille qui ressemble à mes enfants, ils lui coupé les bras, ils ont recueilli tout son sang. J'ai peur pour mes enfants », murmure-t-il. Une voiture s'arrête alors au bord de la route et le conducteur propose gentiment de convoyer le père et son fils, mais ce dernier se met à crier et à se débattre. « Mon fils est terrorisé par ce qu'il a entendu, il est terrorisé par des phrases comme "voilà une fortune qui passe" que l'on prononce à son passage », se lamente son père, en décidant de poursuivre son voyage à pied. « Les menaces contre les albinos sont tout à fait réelles. Richard par exemple a été poursuivi par quatre tueurs armés de fusils et il a passé deux jours dans la forêt », affirme le procureur. « Ces parties du corps sont vendues en Tanzanie. Ces gens disent qu'ils vont gagner 600 millions de shillings (380.000 euros) pour chaque corps d'albinos », poursuit-il, réconfortant dans ses bras un petit garçon lui-aussi atteint de cette anomalie génétique provoquant une absence totale de pigmentation de la peau et des cheveux. « La question des albinos doit devenir une question nationale car elle dépasse désormais le cadre de notre province », prévient le procureur. « Ce qui se passe est effrayant car les albinos sont désormais considérés comme des sources de revenus dans ce pays où quelqu'un peut tuer pour 10.000 francs (burundais, sept euros) ». |