Arrêt sur le casse-tête de l’équivalence de diplôme obtenu à l’étranger
Opinion

@rib News, 12/06/2011

Ils sont nombreux les Burundais dont le statut académique demeure problématique. Leur crime n’est pas d’avoir plagié quelque travail de fin d’études. Bien des années après la réforme de Bologne, on paie pour avoir étudié à l’étranger selon la formule passe-partout de licence à trois ans.

Nous sommes dans les escaliers du building de l’éducation nationale. Au troisième étage. Sur le mur, il y a des affiches. On peut y lire des noms de chanceux qui ont décroché le sésame. « La commission nationale d’attribution d’équivalence aux titres académiques obtenus à l’étranger, dans sa réunion du…, a accordé l’équivalence aux demandeurs ci-après ». Tout semble alors fonctionner à merveille. On oublie déjà que ladite commission se réunit de façon irrégulière et que bien des demandeurs doivent attendre des mois voire des années avant d’être servi.

Non seulement les documents à produire, tout un arsenal. Pire encore, réunir toutes les pièces exigées ne suffit pas. Il faut que la commission réunisse le quorum requis pour analyser et décider. On nous signale que par le passé récent, de report en report pour défaut de quorum, les usagers n’avaient qu’à faire pied de grue.

Or, sans équivalence, aucune attestation certifiée conforme à l’original ne peut vous être délivrée. En d’autres termes, vous êtes condamné au chômage ou à la débrouillardise sans autre forme de procès. Au Burundi, c’est que pour toute offre d’emploi, l’exigence de photocopie certifiée est omniprésente.

Des témoins sur place reconnaissent que ces derniers temps la commission améliore ses prestations. Peut-on en juger sur le nombre des affiches sur le mur qui sert de tableau de publication des décisions ? Là où le bât blesse, c’est du côté des contradictions entre la volonté de changement du côté du gouvernement et l’attachement absurde au statuquo ante.

Le Burundi est devenu membre à part entière de la communauté des Etats d’Afrique de l’Est. Or, dans ces Etats, le diplôme de licence est obtenu après trois années de formation. Mais allez à l’Université publique du Burundi.

C’est encore quatre ans. Pourquoi ? Le Burundi rejette-t-il la panacée concoctée à Bologne ? Pas du tout. Le pays y adhère. Mais comme pour toute réforme d’importance nationale, il faut du temps et beaucoup de réunions. C’est désolant de savoir que dans d’autres Universités ou instituts d’enseignement supérieur en Afrique et ailleurs, ce qui compte c’est le nombre de crédits ou d’unités de valeur que l’étudiant doit passer avec succès pour prétendre à quelque titre académique.

A titre d’exemple, à l’Université Espoir d’Afrique, il n’est pas surprenant qu’un étudiant doué termine sa licence en deux ans. Ce diplôme ayant été obtenu au Burundi, le lauréat n’a pas besoin d’équivalence. Il peut donc entrer sur le marché du travail sans autres tracasseries administratives. Mais ce qui semble passer comme une lettre à la poste, devient un casse-tête chinois pour un licencié diplômé d’une Université du Kenya, du Cameroun, de l’Ouganda, de Tanzanie etc. Dans ces pays, la licence s’obtient au terme de trois années de formation. Avec la quatrième année d’Université, on décroche une maîtrise. Mais quand de tels diplômés se présentent devant la commission d’établissement d’équivalence, les dossiers sont mis de côté.

On leur signifie clairement qu’il n’y a pas de licence au terme de trois ans de formation. On vous précise que la loi burundaise n’a pas évolué là-dessus. Plus ou moins pragmatique tout de même, la présidente de la commission propose un arrangement : le demandeur n’a qu’à choisir entre rentrer bredouille ou accepter que sa licence soit ramenée au grade mineur de technicien A1. Hélas pour ces diplômés en dilemme cornélien, il y a des professions où de tels grades mineurs ne signifient rien. Les sanglots soulagent-ils ? 

Nous sommes d’avis que le cas de ces malheureux mérite de retenir l’attention du gouvernement et de l'opinion. Déjà du temps du président Domitien Ndayizeye, une « dérogation » avait été accordée aux diplômés qui rentraient de Tanzanie. Ils pouvaient obtenir l’équivalent de la licence burundaise avec un diplôme similaire obtenu en Tanzanie. Mais cette dérogation n’a jamais été étendue aux rapatriés venant du Kenya, du Cameroun et d’Ouganda, pour ne citer que ces cas dont les larmes de désespoir coulent encore.

Puisque le Burundi a adhéré à la réforme de Bologne et que les autres membres de la communauté est-africaine appliquent la licence de trois ans, à quoi bon infliger ce calvaire anachronique à ces âmes qui, dans la plupart des cas, ont ramé pour échapper au génocide intellectuel des temps des dictatures militaires?

Ces derniers temps, fort heureusement, les Burundais envoient des enfants étudier en Ouganda. D’autres nationalités débarquent en masse dans les Universités comme Espoir d’Afrique ou Université Lumière de Bujumbura. Il est à espérer que le gouvernement sorte enfin une loi harmonisant le cursus académique avec la réforme de Bologne.

Déjà, cette volonté d’harmonisation se remarque dans l’obligation d’homologation imposée de nouveau à tout élève devant fréquenter quelque Université publique ou privée. Mais le ministre ayant l’enseignement supérieur dans ses attributions devrait déjà songer à rassurer ces diplômés qui ne savent plus à quel saint se vouer. C’est aussi ça la bonne gouvernance et l’obligation de rendre des comptes.

Manariho David