Burundi : à propos de l'usurpation d'identité des partis politique
Opinion

@rib News, 19/07/2011

La piraterie des partis politiques au Burundi dite « Nyakurisation » :

Comment en finir avec ce fléau

Par Kabura Jean Nipomscène

1. Les faits

Depuis quelques années, et surtout peu après l’année 1992, date qui marqua la venue du multipartisme au Burundi, on parle souvent, surtout  en politique du phénomène  de  « nyakurisation ». Des partis originels et leurs partis pirates dits  « partis Nyakuri » occupent la scène politique aujourd’hui.

En effet, depuis le coup d’Etat d’octobre 1993 qui a renversé le premier Président démocratiquement élu Melchior Ndadaye, les burundais ont vu naître de nouveaux termes, dans des textes surtout politiques, et plus précisément de nouveaux vocabulaires, notamment d’origine burundaise, à ajouter dans le dictionnaire de la langue de Molière et qu’on ne trouvera nulle part ailleurs dans le monde.

C’est ainsi que sont né les termes bagazistes pour identifier les personnes qui sont derrière l’ancien président Jean Baptise Bagaza,  les buyoyistes pour distinguer les militants de l’Uprona  aile Mukasi par rapport à l’Uprona  dit de Kumugumya. On a parlé aussi des Ntibanyistes à l’époque, c'est-à-dire les personnes qui étaient derrière Sylvestre Ntibantunganya, pour les différencier des Minanistes, qui sont les fidèles de Jean Minani...

Dans la suite de nouveaux termes ont suivi ces derniers. Il s’agit des termes Nyakuri (ce qui veut dire en Kirundi, le vrai par rapport au faux) et la nyakurisation.

C’est ainsi qu’il y a le Frodebu et le Frodebu–Nyakuri ; Le FNL et le FNL-Nyakuri dit FNL Icanzo ; L’UPD et l’UPD-Nyakuri dit UPD Feruzi ; Le CNDD dit « CNDD Nyangoma » et le CNDD-Nyakuri dit CNDD-FDD, l’Uprona aile Buyoya et l’Uprona aile Mukasi etc. Question : quel Uprona est appelé Nyakuri ?

On parle alors des partis originels et de leurs partis pirates dits  partis Nyakuri. Dans la réalité, les partis dits nyakuri devraient plutôt être appelés partis pirates.  Cette méthode date de la période dite Buyoya II qui consistait à diviser les partis en ailes de dissidence pour récupérer une partie de leurs adhérents et surtout les opportunistes.

Soutenus par le CNDD-FDD qui est lui-même né du viol de la loi sur partis politiques et les directives démocratiques, ces partis dits nyakuri se sont appropriés par force les programmes politiques des partis originels, les emblèmes, les signes, les chansons et le matériel des partis originels. Le Burundi n’est pas encore guéri de la maladie des putschs militaires et d’autres comportements dictatoriaux.

Les burundais observent les agissements politiques des membres du CNDD-FDD mais ne comprennent pas pourquoi ils avaient un bon programme politique mais qu’ils appliquent autre chose. Or le programme de campagne qu’ils ont exhibé  depuis 1998 n’est pas celui qu’ils exécutent aujourd’hui. Le CNDD-FDD a copié ailleurs tout ce qui l’arrangeait. Au CNDD originel, ils ont tout copié : le programme de campagne, l’hymne, pour ne citer que ceux-là, et les ont utilisés depuis pour la propagande. Quant à la politique qu’ils appliquent aujourd’hui, il vient d’un autre terme, cette fois connu en République Démocratique du Congo. Il s’agit du Mobutisme. Le mobutisme est la politique créée par l’ancien dictateur Mobutu de l’ex-Zaïre. Il s’agit du pillage quasi total des biens de l’Etat et l’enrichissement illicite des dignitaires. Quant aux forces de sécurité, elles sont caractérisées par la brutalité envers les citoyens qu’ils   étaient sensés protéger.

Nkurunziza et le CNDD-FDD nous ont donc apporté le Mobutisme. Comme on vient de le voir il consiste, pour les dignitaires, à piller l’Etat, construire des villas, acheter des voitures de luxe et garnir leurs  comptes en banque  au pays ou à l’étranger, et ceci sur le dos du contribuable à qui ils laissent une facture de plus en plus lourde de dettes à payer aux créditeurs internationaux.

2. Propositions de solutions pacifiques et démocratiques

Pour l’intérêt de la démocratie mais aussi de l’honnêteté intellectuelle et politique, il est important que les Burundais puissent résoudre pacifiquement ce problème qui est devenu un fléau dans la politique burundaise. Cela fera cesser les frustrations des citoyens lésés.

Référons-nous au droit. En droit commercial, d’aucuns savent bien comment sont sanctionnés, du moins dans le monde démocratique, la contrefaçon, la piraterie et les vols de noms de marque déposée.

En droit civil, les associations de personnes sont régies par des lois. Dans un pays qui se veut démocratique, la nyakurisation est en fait un vol, une violation de loi, où un associé crée une organisation pirate, s’accapare du patrimoine de l’organisation originelle, et usurpe sa place auprès de ses partenaires. Quand on est associé, on doit suivre les règles de partage des patrimoines mais aussi des dettes au moment de la séparation. C’est d’ailleurs ce qui se fait en cas de divorce dans un Etat de droit. Personne ne peut dire « je divorce, et je prends les enfants, la maison et tout le patrimoine et je ne rembourserai plus de dette ». Lorsqu’il y a divorce la loi prévoit sur le sort des enfants, le partage du patrimoine entre l’homme et la femme et ceci dans l’intérêt des anciens conjoints. Actuellement au Burundi sous le règne du tandem CNDD-FDD-UPRONA, c’est la loi de la jungle qui prévaut.

L’histoire notera qu’au lieu de l’application des lois sur les partis politiques, sur la protection intellectuelle et politique, Pierre Nkurunziza a apporté la nyakurisation et le mobutisme, tous les deux étant les enfants ainés de la corruption. La plupart des burundais parlent de la démocratie, mais se rendent compte que les esprits putschistes n’ont pas changé.

Manipuler ou prendre le nom, les symboles d’une organisation est une infraction qui devrait être punie par la loi.

Aujourd’hui la nyakurisation est devenue une arme antidémocratique que les partis au pouvoir utilisent contre l’opposition. C’est pour cela que le futur médiateur devrait régler à l’amiable les contentieux sur les usurpations de la propriété tant matérielle qu’intellectuelle que les partis au pouvoir ont opérées au détriment des partis d’opposition.

Il faudra aussi mettre sur pied une loi sur la protection intellectuelle des personnes physiques et morales pour protéger les auteurs contre les actes de piraterie politique  et intellectuelle.

Tout compte fait, il est important de noter ici qu’aussi distractive qu’elle soit, la nyakurisation est un exercice futile pour le parti au pouvoir. Elle ne touche en rien les problèmes que les organisations originelles cherchent à résoudre et que le parti au pouvoir cherche à escamoter. En  créant les partis dits nyakuri, le CNDD-FDD se crée des alliés qui ne sont en fait que des carcans vides, et les partis originels poursuivent leur combat politique pour la résolution des vrais problèmes auxquels la population fait face. Ce juste combat se termine toujours par la victoire du bien et la défaite du mal.