Le Cap-Vert, une démocratie qui fonctionne
Afrique

Slate Afrique, 22/08/2011 

Carlos FonsecaL’opposant cap-verdien Carlos Fonseca a remporté le 21 août 2011 le second tour de la présidentielle, face à Manuel Inocencio Sousa, issu du parti au pouvoir depuis dix ans. Nouvelle alternance, donc, dans une démocratie africaine qui fonctionne.

Carlos Fonseca et son Mouvement pour la démocratie (MPD, libéral) a remporté le 21 août 2011 la présidentielle au Cap-Vert avec 54,53% des voix, selon des résultats encore provisoires. Son adversaire, Manuel Inocencio Sousa, du Parti africain de l’indépendance du Cap-Vert (PAICV, de gauche), a aussitôt reconnu sa défaite —sans attendre les résultats définitifs. La quatrième élection présidentielle du Cap-Vert confirme le caractère exemplaire de cette démocratie africaine.

L’archipel, une ancienne colonie portugaise située au large du Sénégal, n’en est pas à sa première alternance. Lors de l’avènement du multipartisme, en 1991, le MDP avait battu le PAICV, ancien parti unique, pour gouverner pendant dix ans. En 2001, il avait ensuite cédé sa place de manière extrêmement sportive au PAICV, qui n’avait que… 13 voix d’avance. Au lieu de contester les résultats, le MDP avait aussitôt reconnu sa défaite. Dans un pays dominé par deux grands partis, les présidents António Mascarenhas Monteiro (MPD) et Pedro Verona Rodrigues Pires (PAICV) ont par ailleurs respecté la limitation à deux mandats successifs, sans chercher à modifier la Constitution.

Voilà donc Carlos Fonseca, 60 ans, ancien ministre des Affaires étrangères, nouveau président du Cap-Vert, un pays à revenu intermédiaire qui a su développer son tourisme ces dernières années, sans cesser de dépendre des transferts d’argent envoyés par son importante diaspora. Particularité de l’archipel lusophone: sa population émigrée, 700.000 personnes, est plus nombreuse que ses résidents locaux, 500.000 personnes. A chaque élection, la campagne se joue aussi auprès des Cap-Verdiens de l’étranger, aux Etats-Unis, au Portugal, en France, au Sénégal et en Angola.

Une des rares démocraties du continent

Le Cap-Vert reste l’un des rares pays à pouvoir se vanter d’avoir une démocratie fonctionnelle en Afrique, avec l’île Maurice, l’Afrique du Sud, le Botswana et la Namibie. Selon l’index sur la démocratie en Afrique publié par l’Economist Intelligence Unit (EIU), (PDF) un bureau d’études basé à Londres, l’île Maurice serait même la seule vraie démocratie du continent. Elle répond en effet à cinq critères sur les processus électoraux, le fonctionnement du gouvernement, la participation, la culture politique et les libertés publiques.

Le Cap-Vert a manqué de peu le classement, rangé parmi les «démocraties défectueuses» par l’EIU en raison de scandales liés à la corruption. Au total, huit pays d’Afrique se distinguent parmi les régimes «pouvant mieux faire», avec, par ordre de meilleur respect des règles démocratiques: l’Afrique du Sud, le Botswana, la Namibie, le Bénin, le Lesotho, le Ghana et le Mali.

L'Afrique compte par ailleurs, selon l’EIU, neuf régimes «hybrides», qui ont des apparences démocratiques mais empiètent toujours sur les libertés d'expression ou se livrent à des fraudes électorales. Parmi ces vraies-fausses démocraties, on retrouve, par ordre décroissant, le Malawi, la Zambie, le Sénégal, le Liberia, l’Ouganda, le Mozambique, le Kenya, la Sierra Leone et le Burundi.

Un autre index, plus indulgent, publié par le groupe de pression américain Freedom House trouve six pays «libres» en Afrique en 2011 : Mali, Bénin, Ghana, Afrique du Sud, Botswana et Namibie.

Quant aux régimes autoritaires, ils sont encore, et de loin, les plus nombreux : 18 selon Freedom House et 25 selon l'EIU qui donne ce classement, allant du moins au plus autoritaire: Madagascar, Mauritanie, Ethiopie, Burkina Faso, Nigeria, Togo, Cameroun, Niger, Gambie, Angola, Gabon, Rwanda, Côte d’Ivoire, Swaziland, Congo Brazzaville, Guinée, Zimbabwe, Soudan, Erythrée, Djibouti, République démocratique du Congo, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Centrafrique et Tchad. Le pays d’Idriss Déby remporte la palme du plus autoritaire au monde, après la Corée du Nord.

L'Afrique des dinosaures

L’alternance tous les dix ans, comme au Cap-Vert, pourrait donner matière à réflexion à bien des chefs d’Etat de la sous-région, arrivés au pouvoir par la voie des armes ou tentés de s’y accrocher par la voie des urnes, à grands renforts de tripatouillages constitutionnels. De ce point de vue, Amadou Toumani Touré, le président du Mali, s’apprête lui aussi à donner une leçon de démocratie à l’Afrique en 2012. Contrairement à son voisin sénégalais Abdoulaye Wade, il a refusé de toucher à la Constitution pour se maintenir au pouvoir et décidé de partir, au terme de ses deux mandats règlementaires.

L'Afrique, en proie à une certaine agitation depuis le printemps arabe, se distingue encore par l'extrême longévité de ses chefs d'Etat au pouvoir: José Eduardo dos Santos dirige l’Angola depuis 1979; Denis Sassou-Nguesso le Congo depuis 1979 (avec une interruption de cinq ans); Robert Mugabe le Zimbabwe depuis 1980; Paul Biya le Cameroun depuis 1982; Yoweri Museveni l’Ouganda depuis 1986; Blaise Compaoré le Burkina Faso depuis 1987; et Idriss Déby le Tchad depuis 1990. Enfin, il faut souligner la tendance à la succession dynastique ces dernières années, les fils ayant hérité du fauteuil de leur père après leur mort en RDC, au Gabon et au Togo.

Anne Khady Sé


APA, 22-08-2011

L’opposant Jorge Carlos Fonseca élu à la présidence du Cap-Vert

Dakar (Sénégal) - L’opposant Jorge Carlos Fonseca a remporté le second tour de l’élection présidentielle organisé dimanche au Cap-Vert, selon les résultats de 92% des bureaux de vote qui accréditent le candidat du Mouvement pour la démocratie (MPD, libéral) de 54,53% contre son challenger Manuel Inocencio Sousa du Parti africain pour l’indépendance du Cap-vert (PAICV, socialiste) crédité de 45,47% des suffrages.

Reconnaissant aussitôt sa défaite, ce dernier a déclaré dans les médias publics : ‘’Je félicite mon adversaire Jorge Carlos Fonseca. Je reconnais avoir perdu ce deuxième tour de l’élection présidentielle du 21 août’’.

Les chiffres obtenus par les deux protagonistes ont été communiqués en direct sur les médias publics et privés, au fur et mesure que s’effectuait le dépouillement des bulletins de vote par la Commission nationale des élections (CNE).

Les opérations de vote n’ont pu être organisées dimanche dans quatre bureaux de vote sur l’île de Santo Antao à cause de la pluie, selon la CNE. Il reste des résultats de quelques bureaux à dépouiller, mais ces données ne pourront pas inverser la tendance.

Au total, un peu plus de 305.000 Cap-verdiens résidant sur l’archipel et à l’étranger étaient appelés à voter au second tour.

Jorge Carlos Fonseca était déjà arrivé en tête du premier tour organisé le 7 août avec plus de 37% des voix contre 32% pour Manuel Inocencio Sousa, classé deuxième.

Les deux hommes, qui ont 60 ans et sont originaires de Sao Vicente, ont aussi en commun d’avoir été ministre des Affaires étrangères de leur pays.

La victoire de Jorge Carlos Fonseca marque le retour à la présidence du MDP, qui avait perdu le fauteuil en 2001, après dix ans de pouvoir d’Antonio Mascarenhas Monteiro.

L’absence de contestation de sa victoire conforte la réputation du Cap-Vert comme modèle de démocratie en Afrique.